Reconnaissance faciale : 50 millions de personnes vont être surveillées par la police dans ce pays

En Europe, un pays veut faire passer en toute discrétion une loi pour autoriser la police à utiliser la reconnaissance faciale à très grande échelle. Environ 50 millions de personnes sont concernées.

Reconnaissance faciale
Crédits : 123RF

Les progrès de l'intelligence artificielle n'intéressent pas que les scientifiques ou les employeurs. Les forces de police ont rapidement compris qu'elles pouvaient mettre à profit la puissance des algorithmes pour automatiser et accélérer l’identification d'un suspect, même en temps réel. Vous l'aurez compris, on parle ici de reconnaissance faciale. Pas celle qui nous évite de faire la queue en allant prendre l'Eurostar. Plutôt celle qui repère les fraudeurs dans le métro new-yorkais par exemple.

Il est facile de penser spontanément à toutes les dérives qu'un tel système pourrait engendrer s'il venait à se généraliser. Cela n'a cependant pas empêcher un pays d'Europe de voter une loi impactant environ 50 millions de personnes. Sa police pourrait en effet procéder à la reconnaissance faciale des habitants en utilisant les photos des permis de conduire. Si les autorités veulent identifier quelqu'un à partir d'une image de caméra de surveillance ou même d'un cliché sur les réseaux sociaux, elles pourront lancer une comparaison avec la base de données des permis.

La police de ce pays va pouvoir utiliser la reconnaissance faciale sur 50 millions d'habitants

Cette décision clairement majeure ne tient que dans l'article 21 d'un nouveau projet de loi sur la justice pénale au Royaume-Uni. À noter que l'utilisation du fichier des permis de conduire n'est pas explicitement écrite dans le texte, ni dans ses notes explicatives. Plusieurs personnes ont pris cela comme une volonté de faire passer la loi en douce. Ce qui est dit en revanche, c'est qu'une fois la loi adoptée, le ministre de l'Intérieur, James Cleverly, devra établir des « règles sur l'information des conducteurs » pour autoriser les recherches, mais seuls les services de police seront consultés.

Menace sur le droit à la vie privée, la liberté d'expression, la non-discrimination, la liberté de se rassembler… Les critiques sont déjà vives. D'autant qu'il a été prouvé à plusieurs reprises que les technologies de reconnaissance faciale sont loin d'être infaillibles. Elles peuvent ignorer certaines teintes de peau, voire conduire la mauvaise personne en prison dans des cas extrêmes. Autant d'alertes qui n'empêchent pas son adoption à grande échelle, surtout dans le cadre de manifestations.

La reconnaissance faciale n'est pas assez fiable et régulée selon plusieurs sources

Le professeur Peter Fussey a analysé, en tant qu'observateur indépendant, l'utilisation de la reconnaissance faciale par la Metropolitan Police du Grand Londres. Ses conclusions étaient sans appel : la technologie n'est pas assez supervisée. Pour lui, la loi “constitue un autre exemple de la manière dont la surveillance par reconnaissance faciale s’étend sans limite claire ni contrôle indépendant de son utilisation. […] Le fait que la police trouve ces technologies utiles ou pratiques ne constitue pas une justification suffisante pour passer outre les protections juridiques des droits de l'Homme qu’elle est également tenue de respecter”.

Actuellement, l'accès au Driver and Vehicle Licensing Agency (DVLA, le fichier des permis) ne se fait pas sans contrôle. La police doit fournir une raison valable, généralement en rapport avec une contravention ou un accident de la route. Un porte-parole du Bureau de l'Intérieur britannique précise que “l’article 21 du projet de loi […] clarifie la loi concernant la protection et la responsabilité de l’utilisation par la police des dossiers du DVLA. Cela ne permet pas l’accès automatique aux enregistrements DVLA pour la reconnaissance faciale”.

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Une déclaration qui ne rassure pas Carole McCartney, professeure de droit et de justice pénale à l'Université de Leicester : “où est le débat public ? En quoi est-ce légitime si le public n’accepte pas l’utilisation des bases de données DVLA et des passeports de cette manière ?”.

Même son de cloche chez Chris Jones, directeur de Statewatch, organisme qui surveille les libertés civiles en Europe. “Il n'y a eu aucune annonce publique ni consultation sur ce projet, qui placera toute personne dans le pays possédant un permis de conduire dans une file d'attente permanente de la police. Ouvrir les bases de données civiles aux perquisitions policières massives transforme a priori tout le monde en suspect“. En toute logique, Chis Jones appelle le Parlement à rejeter l'article 21.

Source : The Guardian


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