Fisc, douanes : la surveillance de masse des réseaux sociaux validée par le Conseil Constitutionnel

Le fisc et les douanes pourront expérimenter la surveillance de masse des réseaux sociaux : le ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin vient d'annoncer sur Twitter que le Conseil Constitutionnel valide une expérimentation de trois ans comme le prévoit le projet de Loi des finances 2020. Le but est de mieux lutter contre la fraude fiscale. 

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L'intelligence artificielle au service de Bercy / Crédits : Phonandroid

Etrillé par la CNIL, et tancé par le Conseil d'Etat, l'article 154 du projet de Loi des finances 2020 qui prévoit pendant une expérimentation de trois ans la surveillance de masse des réseaux sociaux pour lutter contre la fraude fiscale a été validé par le Conseil constitutionnel. C'est le ministre de l'Action et des Comptes publics qui l'annonce sur Twitter. Plus largement toutes les dispositions principales du projet de Loi des finances ont été validées par les sages.

De nombreux députés avaient en effet saisi le Conseil constitutionnel autour de l'article 154 du PLF 2020 estimant d'une part que l'article et la surveillance de masse des réseaux sociaux qu'il engendre ne relevait pas du domaine des lois de finances et d'autre part qu'il porterait une atteinte inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée, au droit à la protection des données personnelles et, dès lors qu’il conduirait les utilisateurs d’internet à s’autocensurer, à la liberté d’expression et de communication”.

Le texte porte bien atteinte aux libertés, mais il le fait de manière proportionnée

Le Conseil constitutionnel a rappelé qu'une Loi des finances peut comporter « des dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n’affectent pas l’équilibre budgétaire ». Le dispositif prévu par l'article est ainsi compris comme un “nouveau dispositif de contrôle pour le recouvrement de l’impôt”, et a donc pour le Conseil constitutionnel toute sa place dans le projet de loi de finances 2020. Quant à la dimension “liberticide” de cette expérimentation, les membres du conseils concèdent que la mesure porte “également atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication”.

Mais le Conseil ajoute immédiatement que le législateur a déjà limité le nombre de manquements susceptibles d'être recherché par ce biais avec des cas d'infractions particulièrement graves et difficiles à déceler autrement. Par ailleurs, le fait que ces données aspirées doivent être en libre accès (le Fisc ne peut pas consulter des comptes privés) et rendus volontairement publics par les administrés, ainsi qu'une série d'autres garanties (le Fisc et les douanes ne peuvent pas par exemple faire usage de reconnaissance faciale) – ainsi que le fait que les données sans rapport avec les infractions soient supprimées dans les cinq jours, amène à la conclusion que le dispositif est proportionné.

Le Conseil ajoute dans son délibéré qu'en l'état aucune procédure pénale, fiscale ou douanière ne peut être engagée sans qu’ait été portée une appréciation individuelle de la situation de la personne par l’administration, qui ne peut alors se fonder exclusivement sur les résultats du traitement automatisé”. Et que les administrés visés par une procédure bénéficient, notamment, des garanties relatives à l’accès aux données, à la rectification et à l’effacement de ces données ainsi qu’à la limitation de leur traitement”. Le Conseil constitutionnel estime donc que l’atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication est nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis”.

Le Conseil constitutionnel a néanmoins censuré une partie de l'article qui aurait permis à l'administration fiscale de sanctionner d'une majoration de 40% “le défaut ou le retard de production d’une déclaration fiscale dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure”, lorsque l'infraction a été constatée grâce à une surveillance automatisée. L'article a donc été validé à l'exception de cette disposition. Le Conseil invite par ailleurs les parlementaires à amender le texte si ils l'estiment nécessaire “au regard des atteintes portées aux droits et libertés”, tout en tenant compte de son efficacité dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales”.

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Les sages se proposent alors d'examiner de nouveau le texte. Ce n'est donc pas encore un blanc seing total pour cette mesure, mais Gérald Darmanin a tout de même préféré saluer “un outil de plus pour lutter contre la fraude”.

Source : Conseil Constitutionnel


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