Prix qui flambent, fraudes à la pelle : le bonus réparation tourne-t-il au fiasco ?
Alors qu'il est censé favoriser la réparation de nos vieux appareils, le bonus réparation est loin de rencontrer le succès escompté. La faute à de nombreux dysfonctionnements et l'apparition de plusieurs effets pervers. Explications.

En 2020, le Parlement français a voté l'entrée en vigueur de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Cette législation tourne autour de 4 piliers centraux, à savoir les 4R pour Recycler, Réparer, Réutiliser et Réduire.
Elle compte de nombreuses mesures pour inciter les Français à adopter des comportements plus vertueux dans leur manière de consommer. Parmi elles, on trouve notamment l'indice de durabilité, ou ce qui nous intéresse aujourd'hui, le bonus réparation. En vigueur depuis 2022, il permet aux utilisateurs de bénéficier d'une remise immédiate chez des réparateurs agréés et labélisés. D'abord réservé uniquement aux équipements électriques et électroniques grand public (petits et gros électroménagers ou EEE, appareils multimédia), le dispositif s'est depuis étendu aux habits, aux appareils de loisirs et de bricolage, ou encore aux équipements sportifs et de mobilité.
S'il est encore trop tôt pour constater les effets du bonus sur les dernières catégories de produits éligibles, ce n'est pas le cas du high-tech et des EEE (éligibles depuis 2022). Nos confrères de l'UFC Que Choisir se sont justement chargés de dresser le bilan du dispositif, et autant dire qu'il n'est pas brillant.

Le bonus réparation… n'a pas vraiment boosté les réparations
En premier lieu, l'association s'est penchée sur les conclusions fournies par Consommation, logement, cadre de vie (CLCV). Première constatation, le bonus réparation n'a pas vraiment boosté la réparation. A l'exception d'une forte hausse en début d'année 2024, à savoir 80 000 appareils réparés, due notamment à l'arrivée de nouvelles catégories de produits, on peut difficilement parler de succès.
Pour cause, seulement 19 % de l'enveloppe allouée au fonds réparation a été utilisée l'an passé ! Le reste de l'argent dédié s'est donc reposé tranquillement, bien au chaud dans les caisses des éco-organismes qui en ont la charge.
Comment expliquer une telle situation ? Il y a plusieurs facteurs. Tout d'abord, les Français sont encore beaucoup trop nombreux à ne pas recourir à la réparation. Le constat fourni par l'ADEME en 2024 est sans appel : 72 % des Français préfèrent opter directement pour du neuf après une panne ou de la casse. En outre, le prix des réparations reste toujours un frein… Un comble, alors que le bonus est censé rendre l'opération plus accessible. Il faut ajouter à cela les tarifs toujours plus avantageux proposés par les grandes enseignes du high-tech ou du textile, qui n'incitent pas vraiment à conserver ses vieux appareils ou ses vêtements usés. D'après un barème publié par l'UFC Que Choisir, les prix de l'électroménager ont baissé entre 50 et 70 % en 25 ans.

Le prix des interventions flambent
Il s'agit de l'un des effets les plus pervers du bonus réparation. Depuis son entrée en vigueur en 2022, on constate une augmentation globale du prix des interventions. Pour vous donner un ordre d'idée, les tarifs ont grimpé entre 10 et 20 %, et encore tout dépend des catégories des produits. Sur les aspirateurs par exemple, une réparation coûte en moyenne 30 % de plus. Pour les frigos et congélateurs, c'est encore pire : jusqu'à 60 % !
Les choses ne sont guère mieux concernant les smartphones. Depuis que le remplacement des écrans est pris en charge, la facture a explosé pour atteindre 122 € au lieu de 88 € auparavant. Mais à quoi peut-on imputer ces hausses ? Les seuils de déclenchement.
Pour faire simple, le bonus de réparation est accordé sur certains produits si l'intervention dépasse un montant spécifique. Pour une imprimante, c'est par exemple 150 € de réparation pour bénéficier de 50 € de bonus. Même tarif pour un ordinateur portable, un écran de PC ou un scanner. Là où le bât blesse, c'est que les réparateurs n'hésitent pas à gonfler la note pour justement atteindre ce barème… Et donc permettre aux clients de profiter du bonus.

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Un casse-tête administratif
La France est connue pour être un pays avec une administration particulièrement complexe… Force est de constater que la bonus réparation n'échappe pas à la règle. Pour devenir réparateur agréé, il faut venir à bout d'un véritable parcours du combattant. A titre d'exemple, pour l'électroménager, il faut payer un droit de 200 € avant se plier à un cahier des charges long de 31 pages ! Il faut ajouter à cela une procédure diablement compliquée pour obtenir le versement du fameux bonus.
Pour rappel, l'aide est fournie directement aux professionnels (le montant est déduit de la facture du client). Or, pour en bénéficier, les artisans doivent prendre une photo de chaque produit (avant et après), détailler les réparations apportées, faire une facture numérique et l'envoyer sur une plateforme dédiée. Une procédure extrêmement chronophage… et qui exclut de facto les professionnels peu à l'aise avec la technologie. “J'ai tenté le truc. Mais cela ne m'a pas paru très clair, et de manière générale, ça semble être un peu l'usine à gaz. Vous passez presque plus de temps en administratif“, confie dans les colonnes de Ouest France un réparateur de smartphones. Résultat, de nombreux professionnels rechignent à faire les démarches pour proposer le bonus réparation à leurs clients.

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Des abus et des fraudes à la pelle
Enfin et comme plusieurs aides avant lui, le bonus réparation fait déjà l'objet de nombreuses fraudes et abus. Tout d'abord, il y a ces professionnels labélisés qui refusent d'appliquer le bonus réparation. Une obligation légale pourtant. D'après les multiples témoignages rapportés par l'UFC Que Choisir, les démarches administratives citées plus haut sont régulièrement pointées du doigt. Tandis que pour d'autres, l'association a constaté des méconnaissances flagrantes du système… Quand ce n'est pas de la pure mauvaise foi (seuil de déclenchement appliqué sur des produits qui n'en ont pas, bonus refusé sur des appareils éligibles, etc.).
Et puis, il y a les fraudeurs. L'attribution du bonus réparation étant conditionnée à la présentation d'une facture, certains ont déjà trouvé le moyen d'abuser du système. Le principe est simple : éditer de fausses factures pour empocher le montant du bonus. Concernant l'ampleur du phénomène, les éco-organismes ont chacun leur avis. Une pratique minoritaire et facilement détectable pour Ecosystem… Et un scandale potentiel pour Ecologic. D'après un barème publié en septembre 2025, près de 870 000 € ont été remboursés à des pros considérés comme suspects.
Source : UFC Que Choisir, Ouest France, HOP

