Cet appareil est dans l’espace depuis 35 ans et il est toujours en service, voici son incroyable histoire
Lancé en 1990, cet appareil a fêté le 24 avril ses 35 ans en orbite. Avec ses images du cosmos emblématiques et ses découvertes révolutionnaires, il a fondamentalement changé notre compréhension de l’Univers. Et surtout, il fonctionne toujours ! On vous raconte sa folle épopée.

Pendant des milliards d’années, la lumière poursuit sa course effrénée dans l’Univers jusqu’à la Terre… ou presque : notre atmosphère brouille la vision des télescopes terrestres. Ainsi, avant 1990, seule la moitié du cosmos pouvait être observée, laissant à l’imagination le champ libre pour penser l’Univers.
La solution ? Un télescope dix fois plus précis, couvrant tout le spectre optique, de l’ultraviolet au proche infrarouge, et qui percerait les mystères de l’Univers… En trois mots : un télescope spatial.
Une merveille technologique en orbite
L’idée naît dès les années 1920, mais ce n’est qu’un demi-siècle plus tard que l’ESA et la NASA s’associent pour créer un bijou technologique de plus de 11 tonnes, doté de gyroscopes perfectionnés, d’ailes solaires ou encore d’un miroir primaire de 2,4 mètres de diamètre.
Cet engin, placé sur une orbite terrestre basse au-dessus des effets de flou atmosphériques, est conçu pour être entretenu par les astronautes à mesure des évolutions technologiques. Sa position optimale lui offre une vue unique sur le cosmos. Et ce télescope spatial toujours actif, c’est Hubble.
L'épopée incroyable d'Hubble
Nous sommes le 24 avril 1990. La navette spatiale Discovery déploie Hubble, baptisé d’après l’astrophysicien du même nom. Le commentateur de la NASA, face à ce spectacle, qualifie Hubble de « nouvelle fenêtre sur l’Univers ». L’appareil tiendra ses promesses, et encore davantage.
Mais cette folle épopée n’est pas sans péripéties. Hubble est placé en orbite à 575 km au-dessus du sol. Et là, c’est le drame. Un sérieux défaut est découvert : le bord du miroir primaire, trop plat d’à peine un cinquantième de la largeur d’un cheveu, empêche la netteté des images. Une mission audacieuse est alors planifiée pour installer une optique correctrice en décembre 1993. Les scientifiques sont captivés, le public fasciné. C’est un succès : Hubble est sauvé.
Entre 1997 et 2009, 4 autres missions de maintenance sont menées avec brio. Elles modernisent, remplacent et rénovent les instruments. Dès lors, la durée de vie d’Hubble dépend de celle de ses cinq gyroscopes.

2024 : il n’en reste plus que trois. Cela tombe bien : l’idée reçue dit qu’il en faut au moins trois pour que Hubble marche correctement. Mais l’un d’eux commence à dysfonctionner… Une solution ingénieuse est trouvée : le mode monogyroscopique. Si sa ténacité peut expliquer l’engouement qu’on porte à Hubble, c’est surtout ses découvertes cruciales qui en font une référence incontournable.
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35 ans de découvertes spectaculaires
Grâce à la détermination, aux compétences et au travail d’équipe, Hubble est, malgré son âge impressionnant, « aujourd'hui plus productif scientifiquement que jamais » et « toujours en excellent état technique » a déclaré Jennifer Wiseman, scientifique principale du projet, à Space.com. Ses images emblématiques dépeignent la dichotomie de l’Univers, tant mystérieux que chaotique, magnifique que menaçant. Et ses découvertes cruciales ont révolutionné notre compréhension de l’Univers et notre perception du cosmos, en rendant l’astronomie à la fois captivante et accessible. Parmi elles figurent :
- La nuée de galaxies remontant à l’Univers primitif dévoilée par les images en champ profond du télescope,
- La mesure précise de l’expansion de l’Univers,
- L’existence commune des trous noirs supermassifs parmi les galaxies,
- « L’énergie noire» : un mystérieux phénomène accélérant l’expansion de l’Univers…

Et Hubble est aussi pionnier en matière d’étude des exoplanètes et de leurs atmosphères. Sa longévité exceptionnelle a permis de constituer un corpus de données impressionnant, permettant aux scientifiques d’aborder de nouvelles questions et de suivre des phénomènes évolutifs : la variabilité saisonnière planétaire du système solaire, les jets de trous noirs se déplaçant presque à la vitesse de la lumière…
Surtout, Hubble possède des capacités uniques aujourd’hui inégalées, telles que sa vision ultraviolette polyvalente.
Le fer de lance d'une complémentarité
Hubble, c’est en février 2025 :
- 1,7 million d’observations,
- L’examen de près de 55 000 cibles astronomiques, des planètes nébuleuses aux galaxies, en passant par Mars,
- Plus de 22 000 articles écrits à partir de ses découvertes et plus de 1,3 million de citations,
- 400 téraoctets de données collectées et archivées.
Ses multiples découvertes révolutionnaires ont inauguré une nouvelle génération de télescopes spatiaux. De Spitzer à Webb, l’une des forces de Hubble est sa complémentarité avec d’autres instruments passés, présents et futurs. Si la vision de James Webb s’étend jusqu’aux longueurs d’onde de l’infrarouge moyen, plus adaptée à l’étude des galaxies de l’Univers primitif ; la vision optique et ultraviolette de Hubble l’est davantage pour celle de l’Univers proche. En les utilisant en dyade, « nous pouvons construire une histoire cosmique complète », d’après Wiseman.

Le télescope spatial Nancy Grace Roman devrait rejoindre cette synergie d’ici mai 2027. Encore faut-il que Hubble survive jusque-là… Car si ses instruments scientifiques devraient encore perdurer pendant quelques années, Hubble devrait se consumer dans l’atmosphère dans les années 2030 à cause de la traînée atmosphérique.
Puisque son successeur, l’Observatoire des Mondes Habitables, ne sera pas lancé avant au moins 2040, certains suggèrent, pour pallier le vide laissé, une mission robotique coûteuse et risquée : tirer une fusée pour rehausser l’orbite d’Hubble et ainsi lui offrir son chant du cygne.

