Windows 10 et ARM : la véritable révolution du PC passe par le mobile

Windows 10 supporte désormais les processeurs ARM, en commençant par le Snapdragon 835 de Qualcomm. Si les premiers PC utilisant cette solution arrivent en fin d'année, cette nouvelle compatibilité a toutes les marques d'une véritable révolution pour l'univers des ordinateurs, qui en mal sur ces dernières années a grand besoin d'un nouvel élan.

windows 10 snapdragon 835 microsoft

A l'arrivée des tablettes, nombreux ont été les observateurs et analystes (souvent du dimanche) à prophétiser la mort du PC traditionnel, argumentant que le manque de croissance de ce secteur était dû à un manque de compréhension et d'intérêt du grand public pour les nouveaux modèles, quand la tablette se devait d'être la solution.

Le fait est que des années plus tard, on constate qu'il n'en est rien. Ce qui ne veut pas dire que le marché du PC n'est pas en mal, bien au contraire. Toutefois, il semble que cette période de disette touche à sa fin, grâce à une nouvelle semblant anodine mais ayant un grand potentiel : la compatibilité de Windows 10 avec les plateformes ARM, dont le premier représentant sera le Snapdragon 835 de Qualcomm. Mais pourquoi une si petite chose pourrait impacter aussi fortement le marché ? Laissez-nous vous le démontrer.

Le PC traditionnel va mal, mais une lueur d'espoir est là

ventes pc

Avant de nous pencher sur les implications de la compatibilité de Windows 10 avec les processeurs ARM, posons le décor du marché des ordinateurs traditionnels. Cela fait des années que nous pouvons observer le déclin des ventes d'ordinateur, et celui-ci ne s'arrange jamais. Les derniers chiffres fournis par l'institut Garner en sont la preuve.

En 2012, les livraisons mondiales de PC se chiffraient à 341.2 millions d'unités vendues, desktop et portables confondus. En 2017, après un déclin constant sur les années précédentes, Gartner estime que les livraisons mondiales se clôtureront à 204 millions d'unités vendues. Rendez-vous compte : sur 5 ans, nous assistons à une chute de -40% des ordinateurs traditionnels vendus. Vertigineux.

Ceci étant, avoir une vision macroéconomique de la chose ne raconte pas l'histoire complète du secteur. En excluant le marché professionnel qui ne nous intéresse pas ici, deux sous-catégories de produit connaissent en effet une croissance rendant optimiste les constructeurs : les PC gamers d'une part, misant sur la puissance brute, et les ordinateurs dits “ultramobiles” très haut de gamme comprenant les Macbook d'Apple mais surtout la gamme Surface de Microsoft et les ordinateurs 2-en-1.

En se concentrant sur la catégorie ultramobile, on peut voir que la croissance est au beau fixe. En 2016, 50 millions d'appareils ont été vendus, et l'institut Gartner projette une progression à 81 millions d'unités vendues en 2019, soit une croissance de 62% du marché. Si le volume vendu est loin de rattraper la chute du marché entier, cette progression éclaire est plus que significative d'un changement dans les habitudes et attentes des consommateurs. Précisons malgré tout que l'institut est connu pour s'enflammer quelque peu sur ses prévisions sur l'ultramobile, mais que celui-ci connaît tout de même une constante progression.

Intel a la mainmise sur le marché

intel

La progression d'un secteur haut de gamme, comme les PC ultrabook ou 2-en-1, est généralement à mettre en parallèle avec une volonté plus grande du marché : si le prix est souvent un facteur d'éloignement du grand public, son intérêt reste piqué par les produits de luxe faisant qu'il se tourne très souvent vers l'appareil “au plus proche” de ce qui lui faisait envie. On appelle cela faire des concessions, pour les plus riches qui nous lisent.

Problème étant que ces ordinateurs se reposent, entre autres composants de moindre importance ici, sur les puces Intel U. Ces SoC sont le coeur-même des ultrabooks, puisqu'ils misent sur une consommation énergétique très basse et une empreinte maintenue, permettant justement la création de form factor légers et puissants. Sur ce terrain, Intel est le seul fournisseur véritablement performant sur les plateformes x86/x64.

Si le prix des autres composants (notamment les écrans et la RAM) est évidemment un facteur d'influence du prix final, le fait est que ce monopole du fondeur historique américain pousse les prix vers le haut. Ce secteur enregistrant une croissance constante, il n'existe aucune raison de jouer la guerre des prix ; bien au contraire, le “toujours plus luxueux” est favorisé comme excuse pour soutirer toujours plus à des bourses sentant le moins ce type d'investissement, quand le grand public est majoritairement ignoré malgré sa demande.

ARM ou le retour de la concurrence

samsung exynos 9 processeur galaxy S9

C'est dans ce contexte qu'a été annoncée la compatibilité de Windows 10 avec la plateforme ARM, en partenariat avec Qualcomm et son Snapdragon 835. Si retrouver le système d'exploitation de Microsoft sur une plateforme “mobile” n'est pas une première, cette nouvelle orientation est enfin ce que l'on attendait : la compatibilité de toutes les applications “classiques” x86/64 sur la plateforme ARM, faisant que l'utilisation est totalement transparente pour le grand public.

Si cette première monture semble surtout optimisée pour le dernier processeur ARM de Qualcomm, le fait est que la compatibilité est désormais actée et va s'étendre progressivement à l'intégralité des processeurs ARM disponibles sur le marché. Or, Intel a de quoi se faire des cheveux blancs face à cette nouvelle.

Le smartphone étant devenu le secteur dominant de la high-tech sur ces dernières années, la concurrence entre fondeurs est devenue toujours plus féroce. S'il profite d'une certaine assurance sur le PC traditionnel, une vision globale du marché montre que Samsung l'a surpassé pour devenir numéro 1 des fondeurs en enregistrant un profit opérationnel de 15.8 milliards de dollars contre 14.76 milliards pour Intel au second trimestre 2017 sur sa seule activité de fonderie.

Windows devenant compatible avec ARM sous-entend qu'Intel est désormais en compétition non seulement avec Qualcomm mais aussi Samsung, HiSilicon, Mediatek et tous les concurrents du mobile. Or, ceux-ci n'ont pas eu le luxe de se reposer sur leurs lauriers, et se mènent une lutte acharnée depuis des années conduisant à l'utilisation prochaine de la gravure en 8 nm FinFET quand Intel n'utilise toujours pas la gravure en 10nm, prévue pour 2018. Si comparer les performances réelles des architectures ARM contre x86/64 n'a pas vraiment de sens, cela reste preuve de la dynamique du marché.

Les points forts de Windows 10 propulsé par ARM

windows 10 fall creators update

Lors d'une conférence de presse récente, Qualcomm est revenu sur les avantages des futurs ordinateurs Windows 10 équipés de Snapdragon 835. Avantages que l'on pouvait déjà envisager à l'avance, du fait de la nature des SoC : les PCB très petites de ces dernières permettent de créer des appareils toujours plus fins et légers, tandis que le gain d'espace permet l'intégration de plus grandes batteries pour une autonomie en utilisation intensive de 18 heures.

Les meilleurs appareils Windows actuels, utilisant les puces Intel, promettent généralement une autonomie maximale de 15 heures pour une utilisation relativement limitée. De plus, étant naturellement optimisées pour ce type d'utilisation, elles permettront une expansion de la compatibilité 4G des PC toujours marginale actuellement. Ce sans nuire bien évidemment au WiFi, primordial pour ce type d'appareil.

Or, quelles sont les fonctionnalités privilégiées par le grand public de nos jours ? L'autonomie et la mobilité, ces deux éléments qui ont participé à rendre les smartphones populaires en premier lieu. Si le grand public n'est pas aussi enclin à renouveler son parc informatique que les connaisseurs, utilisant encore très souvent de vieux PC sous Windows Vista voire XP, une telle autonomie couplée à un appareil léger et performant le fera bien vite réfléchir à cette possibilité.

Un prix tiré vers le bas grâce à une compétition dynamique

Windows 10 Creators update

Reste le principal problème : celui du prix. Si Qualcomm a explicité d'entrée de jeu que les premiers PC sous Snapdragon 835 ne seront pas moins chers pour autant, il ne s'agit-là que des premiers pas d'ARM… qui se font sous l'oeil vigilant du fondeur américain, partenaire privilégié de ce lancement et qui se réserve naturellement la première part du gâteau.

Une fois cette période de lancement finie, et l'adoption définitive d'ARM par Windows 10 derrière nous, on observera très certainement ses concurrents directs comme MediaTek s'étendre sur ce nouveau marché et permettre ainsi de profiter des bons points listés ci-dessus sans le surcoût premium de Qualcomm. Résultat ? Une nouvelle baisse des prix.

Vient ensuite un point qu'a justement abordé Qualcomm lors de sa conférence : la possibilité dans le futur de créer des puces spécifiquement pour ce type d'appareils, les puces actuelles étant fondamentalement des puces destinées aux smartphones. Tout est alors possible selon les envies du fondeur, de l'amélioration drastique des performances de ses CPU/GPU à l'optimisation de la gestion de l'autonomie sur des batteries de très grand format.

Or, ces “nouvelles puces” ne demanderaient pas un investissement colossal de la part des fondeurs de l'univers mobile, puisqu'elles appartiendraient au même processus de fabrication que le marché toujours très lucratif des smartphones. C'est donc une situation potentiellement très lucrative pour eux, et une motivation supplémentaire pour les constructeurs d'entrée et de milieu de gamme d'adopter massivement l'ARM pour Windows 10.

Une opportunité pour le bas comme le haut de gamme

Microsoft Surface Book 2

Si les puces en elles-même voient leur coût diminuer pour le constructeur, c'est aussi le cas de la conception des ordinateurs. Les puces ARM étant plus petites et occasionnant moins de chauffe qu'un processeur PC classique, les marques souhaitant diminuer au maximum leurs dépenses de recherches et développement pourront se tourner vers elles afin de proposer des appareils séduisants avec un investissement minime, n'ayant pas nécessairement à faire preuve d'une ingénierie complexe pour cela.

Des ordinateurs légers, assez puissants pour une bureautique poussée et avec une autonomie record pour 400/500€ n'est pas un rêve éloigné dans le cas de l'architecture ARM sur Windows 10 : il ne s'agit que de la proposition de base de la plateforme, sans même chercher à la pousser dans ses retranchements. Faire un ordinateur 2-en-1 dont la partie tablette reste légère et agréable n'est que la nature-même de la bête.

Mais penser qu'elle ne vise que l'entrée ou le milieu de gamme serait une erreur, puisque le Snapdragon 835 a bien la capacité de remplacer l'Intel Core i7 U présent dans la majorité des ultrabooks récents vendus à plus de 1000€ en toute transparence, si Microsoft tient bien sa promesse d'une expérience Windows sans aucune limitation.

Aussi, nous avons là des constructeurs haut de gamme pouvant réaliser de nouveaux concepts premium grâce au gain de place de cette nouvelle plateforme, tout en y gagnant en autonomie et sans sacrifier l'expérience utilisateur. Les Macbook d'Apple devraient regarder l'évolution de cette plateforme avec intérêt à l'avenir.

ARM, une plateforme d'avenir pour Windows

Des concepts 2-en-1 toujours plus faciles à réaliser, des ordinateurs toujours moins chers avec toujours plus d'autonomie, une connexion internet permanente pour des appareils plus légers… Si la puissance de ces ordinateurs n'égalera pas celle des PC gamers et des plateformes professionnelles de création, elle a de quoi conquérir aisément le grand public tout autant que de rendre plus accessible la possibilité d'avoir un deuxième appareil mobile pour les possesseurs de grosses machines.

Mais il ne faut pas non plus oublier de préciser une chose : l'ARM se marie parfaitement avec les perspectives d'évolution du PC déjà établies pour les prochaines années. Le plus évident est bien sûr la réalité “mixe” de Windows 10, pour laquelle un SoC déjà optimisé pour ces utilisations est forcément un camarade de jeu privilégié. Avec son autonomie supérieur, elle pourrait rendre son utilisation beaucoup plus envisageable en mobilité.

Une autre tendance est celle de la convergence de nos appareils, les applications mobiles et nos comptes restant les mêmes qu'importe l'endroit. Un PC portable 2-en-1 sous ARM fait revivre le rêve du dual-boot Windows 10 / Android qui n'aurait aucun problème d'optimisation du fait que les deux plateformes savent parfaitement interagir avec ces processeurs. Quoi de mieux qu'un mode tablette sous Android avant de repasser en PC sous Windows, sans contraintes ? Ou encore un smartphone lançant Windows 10 une fois connecté à un grand écran, à l'égal d'un Samsung DeX sans limitation ?

Enfin, et probablement le plus gros morceau pour quiconque voit sur les dix prochaines années : le cloud computing. Avec autant d'autonomie et une connexion internet constamment accessible, il serait alors aisé de profiter d'un PC plus puissant en streaming et ainsi réaliser des tâches lourdes et compliquées (comme jouer à des jeux vidéo exigeants ou du montage vidéo) tout en profitant d'un appareil léger avec une autonomie de 18 heures.

Voici tout ce que reflète véritablement l'arrivée de la compatibilité ARM de Windows 10. Et une chose est sûre : elle a bien le potentiel de toucher l'intégralité du marché. Ne reste plus qu'à voir les premiers ordinateurs Windows sous Snapdragon 835 arriver pour pouvoir juger sur pièce des premiers pas de cette entente, que l'on espère heureuse sur les années à venir.


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