Test Street Fighter 6 : la bagarre entre tradition et modernité
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Street Fighter, l’une des licences les plus anciennes de Capcom encore en activité, est de retour pour un sixième volet. Pour l’occasion, le studio a tenté quelque chose d’audacieux : moderniser sa franchise tout en essayant d’attirer un nouveau public. Le résultat est surprenant.
Après plus de 35 ans de Street Fighter, on se demanderait presque comment il est encore possible de continuer à moderniser un concept aussi simple en apparence que le jeu de combat. Deux combattants qui s’affrontent dans une arène délimitée jusqu’à ce que l’un d’eux ne se relève plus, tout le monde connaît désormais la formule, et pourtant elle refuse encore et toujours de tomber en désuétude. La remettre au goût du jour, c’est le défi que Capcom se lance en 2023 avec Street Fighter 6.
Ce n’est bien sûr pas le seul éditeur à porter cette idée farfelue, puisque la concurrence ne s’endort pas non plus : Warner Bros vient d’annoncer un nouveau Mortal Kombat pour cette année, et Bandai Namco est en pleine promotion de Tekken 8. Ce Street Fighter 6 va donc faire face à plusieurs défis en même temps : faire oublier le lancement difficile de Street Fighter 5, se hisser au-dessus de ses futurs concurrents, et convaincre de nouveaux joueurs de s’intéresser à la licence.
Ambiance scandale, danses de vandales
La première étape passe par une identité visuelle et une direction artistique très marquées qui mettent en avant le côté « Street » du jeu, et plus particulièrement les arts de rue. Les décors sont remplis de graffitis, la musique a des accents hip hop omniprésents, et vous croiserez divers danseurs à travers le jeu, c’est même la spécialité d’un des nouveaux combattants.
Les combattants, justement, parlons-en, puisqu’un jeu de combat ne serait rien sans eux. Ils sont au nombre de 18. Comme d’habitude, vous y croiserez un mélange d’anciens et de nouveaux personnages avec chacun un design et une personnalité très marqués. Ainsi, les vétérans Ryu, Ken, Chun-Li et toute la clique sont rejoints par 6 personnages entièrement nouveaux. Lily est une jeune femme se battant avec des massues et utilisant le vent pour porter ses coups, Jamie est un danseur utilisant le style du Drunken Fist, Kimberly est une ninja qui ne quitte jamais son baladeur (à cassettes, s’il vous plaît), Manon est une danseuse étoile et star de la mode qui pratique le judo, Marisa est une lutteuse qui s’entraîne avec des lions et JP est un milliardaire à la tête de son propre pays, et qui se bat en utilisant un étrange pouvoir.
Puisque nous sommes dans un jeu de combat en 2023, ce cast de 18 personnages sera bien sûr étendu durant la première année du jeu. Capcom a déjà annoncé l’arrivée de quatre personnages supplémentaires en DLC (AKI, Rashid, Ed et Akuma), qui sortiront au rythme d’un tous les trois mois, avec comme toujours l’arrivée d’un Battle Pass au lancement qui permettra de tous les acheter d’un coup.
Passez au Drive (System)
Pour animer les combats, Capcom a revu tout son système de jeu pour mélanger d’anciennes mécaniques avec de nouvelles. Vous découvrirez donc le Drive System, qui ajoute une jauge divisée en six segments sur l’interface de combat. Cette dernière va décider de presque toutes les actions que vous pourrez effectuer, il sera donc très important de bien la gérer. Parmi les actions permises par le Drive System, on trouve notamment le Drive Parry, une sorte de garde parfaite qui bloque toutes les attaques adverses mais consomme progressivement la jauge, le Drive Impact, qui absorbe jusqu’à deux coups adverses pour finir sur une attaque imblocable dans un bel effet coloré, ou encore le Drive Reversal, qui vous permet de mettre fin à un pressing que vous subissez pour repousser l’adversaire loin de vous.
Mais la nouveauté la plus intéressante de ce Drive System est le Drive Rush qui, comme son nom l’indique, vous permet de vous jeter subitement sur votre adversaire pour lancer une série d’attaques et tenter de percer sa garde. Vous pouvez l’activer en pressant deux fois avant pendant certaines actions et vous retrouver immédiatement au corps à corps, où les choses sérieuses peuvent commencer. Cela n’a l’air de rien, mais cette seule mécanique permet de prendre toute la mesure de la profondeur de jeu proposée par Street Fighter 6, ces moments d’attente et d’anticipation d’une erreur de l'adversaire que vous pouvez court-circuiter en un instant pour déclencher quelque chose et tenter de le pousser à la faute. Elle tire particulièrement bien partie de la très longue portée de certains coups, et permet de réaliser des combos ou des punitions qui seraient impossibles sans.
Toutes ces actions coûteront une portion plus ou moins importante de votre jauge de Drive, et c’est là que nous entrons dans la partie contraignante de ce système, à savoir la gestion de vos ressources. Si votre jauge tombe à zéro, vous entrez en état de Burnout. Pendant plusieurs secondes, vous ne pourrez utiliser aucune des mécaniques de Drive, vos déplacements seront ralentis et tous les coups que vous bloquerez vous infligeront des dégâts. Vous pourrez toujours vous battre, mais vous subirez ce handicap le temps que votre jauge se recharge pendant que votre adversaire aura l’occasion de vous tatanner plus facilement. Pour éviter cela, il existe plusieurs manières de recharger sa jauge de Drive, soit en attaquant l'autre joueur, puisque chaque coup porté vous octroie une petite portion de jauge, soit… en ne faisant rien. La jauge de Drive se recharge en effet toute seule avec le temps si vous ne la consommez pas, et tant que vous parvenez à échapper aux attaques adverses, vous pouvez simplement la recharger en étant patient.
Modern Talking
Un des objectifs clairement annoncés de Capcom avec Street Fighter 6, c’était de rendre le jeu plus accessible à un nouveau public. Pour cela, il fallait notamment composer avec une des principales difficultés de ce genre de titre: les contrôles. Si vous connaissez Street Fighter, vous savez que traditionnellement, le jeu se contrôle avec six boutons d’attaque, trois poings et trois pieds du plus faible au plus fort, et que les attaques spéciales comme les boules de feu se font avec une manipulation incluant plusieurs directions et validée avec une touche d’attaque. Cette manière de jouer a été inventée en 1987 avec le premier volet, et n’a finalement que très peu évolué avec les années, elle s’est même complexifiée à mesure que de nouveaux jeux arrivaient.
Dans Street Fighter 6, Capcom a donc décidé de faire table rase et d’imaginer une nouvelle manière de contrôler son personnage, représentée par le mode de contrôle dit Moderne. Dans ce dernier, vous n’aurez plus que trois boutons d’attaque (faible, moyen et fort) et une touche dédiée aux attaques spéciales. Cette dernière vous permettra d’accéder aux coups les plus difficiles de votre personnage d’une simple pression de touche, vous évitant ainsi d’avoir à retenir une manipulation complexe. Par exemple, si le Spinning Piledriver, la choppe spéciale dévastatrice de Zangief, demande normalement d’effectuer un tour complet sur la manette avant de valider par un bouton, en mode moderne, une simple pression sur la touche spéciale donnera le même résultat.
L’idée est donc de permettre aux débutants d’avoir une chance face à un vétéran et de ne pas tomber trop vite au combat, mais il y a quand même une contrepartie. En effet, les coups spéciaux et combos automatiques effectués dans ce mode souffriront d’une réduction de leurs dégâts afin de rééquilibrer les choses, et d’éviter qu’un joueur confirmé ne devienne tout simplement invincible dans ce mode. Enfin, même s’il propose moins de touches d’attaque, le mode moderne ne vous empêchera pas d’effectuer les anciennes manipulations pour obtenir les mêmes coups spéciaux, et offre ainsi une porte d’entrée aux débutants vers les anciens contrôles s’ils le souhaitent. D’ailleurs, si vous ne jurez que par les bonnes vieilles manipulations, pas de panique : elles sont toujours présentes, sous le nom du mode classique, mais il faudra penser à faire les réglages qui conviennent car par défaut, tout sera en mode moderne.
Le World Tour, un jeu dans le jeu
La principale critique à l’encontre de Street Fighter 5 lors de sa sortie en 2016, c’était l’absence cruelle de contenu solo. On n’y trouvait aucun mode histoire (ce dernier a été ajouté longtemps après via un DLC gratuit) et le mode arcade particulièrement dépouillé ne suffisait clairement pas à satisfaire les attentes du public. Pour le sixième opus, Capcom a visiblement été à l’écoute et a largement corrigé le tir. Cela se retrouve sous la forme du World Tour, un mode de jeu exclusivement solo qui vous permettra de suivre une histoire complète impliquant les différents personnages du jeu.
Après la création de votre héros, vous êtes envoyé dans la ville de Metro City (dont l’architecture rappelle fortement New York), où vous chercherez à devenir un élève de Luke. Ce dernier vous prendra sous son aile et vous donnera un rival et partenaire d’entraînement, Bosch, qui va vous accompagner au début de vos aventures. Après quelques missions en guise de tutoriel, ce dernier prendra la fuite, et le reste du jeu consistera à partir sur ses traces et enquêter sur lui pour tenter de le retrouver.
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Au cours de votre aventure, vous rencontrerez de nombreux combattants que vous pourrez affronter pour obtenir des récompenses. Il est en effet possible de défier presque n’importe quel passant, mais aussi de se faire attaquer par différentes bandes dans la rue. Mais bien sûr, les rencontres les plus intéressantes que vous ferez concernent les différents personnages du jeu, présentés ici comme des combattants légendaires. Lorsque vous en rencontrerez un, une cinématique vous présentera ce héros, et vous aurez la possibilité de lui demander de devenir son élève. Cela vous permettra d’adopter son style de combat et ses coups spéciaux, et plus vous rencontrerez de combattants légendaires, plus vous aurez la possibilité de mélanger les différentes attaques de vos maîtres pour créer le style qui vous ressemble le plus.
Pour l’occasion, Capcom a tenté de créer une nouvelle manière d’aborder son jeu avec un gameplay qui se démarque du jeu de combat classique. Aussi, le World Tour vous propulse dans un monde semi-ouvert avec toutes sortes d’activités à accomplir, à la manière de GTA ou de la série Yakuza, avec tout ce que cela implique d’exploration, d’activités ou de mini-jeux. Votre avatar devra suivre une mission principale et partir à la recherche de son compagnon disparu, mais vous débloquerez également toutes sortes de quêtes secondaires qui vous enverront aux quatre coins de la ville, puis du monde. Certaines de ces quêtes sont d’ailleurs nécessaires si vous espérez rencontrer la totalité des 18 combattants légendaires présents dans le jeu et obtenir leur récompense. Vous pourrez même vous lier d’amitié avec chacun d’entre eux et tenter de renforcer un lien qui, à chaque pallier, vous offrira de nouveaux bonus comme des illustrations ou des objets en jeu.
Malheureusement, si Capcom a été capable de montrer tout son savoir-faire en matière de jeu de combat, ce mode solo n’est pas tout à fait au même niveau malgré la débauche de contenus. Les bastons, et c’est un comble pour un Street Fighter, sont aussi ennuyeuses qu'omniprésentes. En dehors des affrontements avec vos différents maîtres, les voyous et autres combats aléatoires vous mettront toujours dans la même situation, c’est à dire que vous affronterez des personnages se battant tous de la même manière, qui meurent généralement en quelques coups seulement et dont le gameplay devient très fade, très vite. C’est particulièrement pénible la nuit, puisque les bandes sont de sortie pour chercher la bagarre et que vous tomberez régulièrement dessus. Là encore, vous répéterez encore et toujours les mêmes combats jusqu’à l’usure, la seule difficulté étant les rares fois où ils vous attaquent à plusieurs.
Ajoutez à cela les quêtes secondaires certes très nombreuses, mais qui ont rarement un intérêt qui va au-delà de la quête Fedex (avec au milieu toujours plus de bagarre contre les mêmes ennemis), et vous obtenez un World Tour dont l’intérêt s’essouffle un peu trop rapidement, et dans lequel vous finirez par terminer le scénario en ligne droite pour au moins en voir la fin et débloquer les récompenses. Si nous pouvons saluer l’effort d’avoir pensé un mode solo original pour un jeu de combat, celui-ci souffre malheureusement beaucoup trop de la comparaison avec les titres dont il s’inspire.
Battle Hub et Fighting Grounds, les retours aux sources
Le World Tour est la principale nouveauté mise en avant par Capcom dans Street Fighter 6, mais l’éditeur n’a pas pour autant oublié ce qui a fait le succès de ses précédents jeux, et remet donc le couvert avec les classiques fonctions en ligne et multijoueurs. Le Battle Hub, deuxième univers du jeu présenté dès la page d’accueil, vous permettra d’aller vous mesurer au monde entier. Le mode vous propose de réutiliser votre avatar du World Tour pour vous promener dans ce qui est essentiellement une salle d’arcade dans laquelle vous pourrez rencontrer d’autres joueurs et vous asseoir à une borne pour entamer un match. L’idée est bien sûr de reproduire l’ambiance d’une vraie salle d’arcade de l’époque, la fumée de cigarette et la sueur en moins, en conservant notamment le principe de la file d’attente : une fois qu’un match est terminé, une des personnes autour de la borne peut prendre son tour et tenter de détrôner le vainqueur. Vous y trouverez bien sûr des modes de jeux plus classiques, comme des matchs amicaux ou des parties classées contre des adversaires aléatoires, ainsi que des comptoirs à consulter pour acheter des accessoires pour votre avatar, ou encore des tournois auxquels vous pouvez participer pour tenter d’obtenir toutes sortes de récompenses.
Mais la bonne idée de ce Battle Hub réside dans une fonction qui n’était pas parmi les plus attendues : elle réserve un espace pour vous permettre de jouer à d’anciens jeux d’arcade de Capcom. Quelques jeux font partie de la sélection parmi lesquels Final Fight, Super Puzzle Fighter et SonSon. Leur seul défaut est que Capcom n’a pas prévu de mode deux joueurs, il est donc impossible de se faire un petit Street Fighter 2 avec un ami, un comble pour une fonction proposée dans la partie en ligne du jeu.
Enfin, le mode Fighting Grounds vous permettra de retrouver toutes les fonctions classiques d’un jeu de combat digne de ce nom, avec notamment l’obligatoire mode arcade qui vous racontera l’histoire de chaque perso à travers une série de combats, avec au milieu des niveaux bonus comme à la bonne époque. Mais la partie la plus importante réside probablement dans les tutoriels et la quantité impressionnante d’informations que le jeu propose pour apprendre à se battre. En plus du classique tutorial qui vous expliquera les bases du jeu et du Drive System, vous trouverez un guide par personnage, vous donnant des détails sur leur plan de jeu, l’utilité de leurs attaques et la stratégie pour les maîtriser, des défis pour apprendre les combos des personnages, et même des exercices pour apprendre les punitions ou la déchoppe.
C’est également dans le Fighting Grounds que vous trouverez un mode spécialement conçu pour les fins de soirées, baptisé le mode Extreme. Concrètement, il s’agit d’un combat avec des conditions de victoires qui peuvent être modifiées (faire tomber 5 fois l’adversaire ou réussir le plus de projections, par exemple) avec un danger supplémentaire sur le stage. Vous pouvez au choix avoir des bombes qui tombent aléatoirement, ou voir un taureau traverser l’arène de part en part en renversant tout sur son passage.
Toujours plus de microtransactions
Enfin, en plus d’un jeu de combat et d’un mode aventure qui ne manque pas d’originalité, Capcom a prévu toute une série de contenus téléchargeables et de bonus à acheter. Nous avons déjà parlé des quatre personnages à venir après la sortie, mais ça ne sera pas tout, et pour vous permettre de les acheter, Capcom a inclus deux monnaies virtuelles dans le jeu. La première, les Drive Tickets, s’obtiennent gratuitement en jouant et en relevant divers défis. Ils permettront par exemple d’acheter des objets cosmétiques pour votre avatar ou des objets de personnalisation. L’autre moyen de paiement s’appelle Fighter Coins, et il s’agira d’une monnaie premium à acheter avec votre argent. Vous pourrez ensuite l’échanger contre du contenu, comme des personnages ou des costumes. À l’heure où nous rédigeons ce test, Capcom n’a pas été en mesure de nous préciser le montant de ces Fighter Coins ni le prix des contenus téléchargeables qu’elles permettront d’acheter.
Pour vous simplifier la vie, le Battle Pass (le nom du season pass de Street Fighter 6) vous permettra d’avoir directement accès aux quatre personnages supplémentaires ainsi qu’à des bonus comme des costumes, des couleurs ou de la monnaie à utiliser en jeu ainsi que des récompenses exclusives. Mais là encore, tous les détails n’étaient pas disponibles de la part de Capcom avant la sortie du jeu.
Toujours est-il qu’avec ou sans contenu additionnel, nous ne pouvons que saluer l’impressionnante quantité d’activités proposées par Street Fighter 6. Certes, le World Tour perdra rapidement son charme après les premières heures et vous risquez de devoir vous forcer pour en voir le bout, mais Capcom réalise un quasi sans faute sur le reste, et notamment sur ce qui est désormais une de ses spécialités : le jeu de combat. Les affrontements sont constamment amusants, les mécaniques laissent envisager une profondeur de jeu qui vous demandera beaucoup de temps pour toutes les maîtriser, tout en profitant de diverses assistances pour apprendre à votre rythme. Il ne s’agit pas seulement du Street Fighter le plus accessible, mais probablement aussi d’un des plus satisfaisants et plaisants à jouer. À ne pas louper, que vous soyez débutant ou mordu de baston.
Avec Street Fighter 6, les développeurs de chez Capcom ne se sont pas contentés de faire un énième jeu de combat, ils se sont surpassés. Le mode World Tour ne sera peut être pas la meilleure attraction du titre, mais la partie dédiée à la bagarre peut sans problème prétendre à être une des meilleures que nous ayons vu depuis longtemps. Très divertissant, avec système de jeu complet et profond et un apprentissage tourné vers les débutants, Street 6 coche toutes les cases et deviendra rapidement un incontournable des amateurs de castagne.
- Un jeu de combat tourné vers l’apprentissage
- Les graphismes et animations superbes
- Le Drive System qui rend les combats passionnants
- Un casting complet et varié
- L’énorme quantité de contenu
- Une direction artistique forte et cohérente
- Le World Tour qui perd vite en intérêt
- Un système de microtransactions opaque