Téléchargement illégal : la justice pourra bientôt bloquer les sites pirates plus efficacement

Un amendement du projet de Loi confortant le respect des principes de la République (ex-Loi contre le séparatisme) propose de permettre aux juges d'imposer les décisions de blocage des sites à tous les intermédiaires nécessaires. Un progrès car jusqu'alors le blocage des sites repose essentiellement sur les hébergeurs et les FAI – il peut être en général facilement contourné en changeant de DNS ou en utilisant un VPN. 

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Crédits : Unsplash

La justice bénéficiera bientôt de pouvoirs plus étendus pour bloquer les sites web en France, que ce soit des sites pirates, faisant l'apologie du terrorisme, ou autres sites passibles d'être visés par une procédure de blocage. Adopté le 2 avril 2021, un amendement du projet de Loi confortant le respect des principes de la République modifie la Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) pour permettre aux juges d'imposer les décisions de blocage des sites à n'importe quel acteur impliqué dans la mise à disposition du site sur internet.

L'amendement présenté par le gouvernement précise dans ses motifs : “en l’état actuel du droit, le référé dont dispose le 8 du I de l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) ne permet plus de répondre efficacement aux demandes de fermeture des sites. Pour y remédier, il est nécessaire d’élargir le champ des acteurs que cette procédure vise et de moderniser les remèdes procéduraux qu’elle prescrit”. Jusqu'alors les décisions de justice ordonnant le blocage de sites internet s'imposaient surtout essentiellement aux FAI et aux hébergeurs basés en France.

Les juges pourront imposer à plus d'acteurs le blocage des sites internet

Or de nombreux sites pirates opèrent depuis l'étranger. Il est donc en général facile de contourner le blocage, que ce soit en modifiant les adresses DNS de la machine ou en utilisant un service VPN qui connecte carrément l'internaute au réseau depuis un autre point du globe le plus souvent situé à l'étranger. Et cela ne devrait pas aller en s'arrangeant. Les motifs du texte parlent notamment de l'émergence du protocole DNS over HTTPS, un nouveau protocole qui sécurise les requêtes DNS (le blocage DNS des sites fait partie des mesures appliquées en cas de blocage administratif).

En sécurisant davantage la connexion, le protocole brouille les pistes, et implique qu'un juge devra mettre en demeure de nouveaux acteurs si il veut que ses décisions soient suivies d'effet. “Il est dès lors nécessaire d’élargir le champ des acteurs visés par l’actuel 8 du I de l’article 6 de la LCEN à l’ensemble des acteurs ayant la possibilité de prendre des mesures pour prévenir ou faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service, telles que par exemple le blocage d’un site internet ou le retrait d’un contenu”, poursuit le texte.

Désormais, ainsi, « toute personne susceptible » de contribuer au blocage d’un site miroir pourra être impliqué dans une décision de blocage, et non plus les membres d'une liste restreinte prévue par la Loi. En plus de ce nombre accru d'acteurs, l'amendement propose des changements pour accélérer la procédure, et ne pas laisser le temps aux sites miroir de se multiplier. L'amendement prévoit de “remplacer les procédures de référé et de requête de la LCEN par la procédure accélérée au fond prévue par le nouvel article 481-1 du code de procédure civile (CPC)”.

Et de préciser : “Cette procédure contradictoire permet aux parties d’obtenir une décision au fond, et non provisoire, contrairement aux dispositifs procéduraux actuels – cette modification permet d’apporter une réponse plus adaptée aux parties en garantissant leur sécurité juridique, puisque les décisions de blocage de sites auront ainsi un caractère définitif et non plus provisoire comme c’est le cas actuellement“. La défense pourra toujours interjeter appel, mais le blocage pourra s'appliquer quand même immédiatement de manière provisoire.

On comprend dès lors que cette modification va renforcer l'arsenal à disposition des juges, mais aussi que ces derniers auront un pouvoir croissant pour bloquer plus efficacement les sites internet en France pour des raisons diverses et variées. La France a recours assez fréquemment à des décisions de blocage de sites internet. Les chiffres précis ne sont pas disponibles, mais en 2016 par exemple (année ou des chiffres sont disponibles) 312 demandes de blocages de sites entiers ont été déposées dont 244 pour des contenus pédopornographiques et 68 pour des contenus faisant l'apologie du terrorisme. 1439 demandes de retraits de contenus ont également été déposées (essentiellement pour terrorisme), accompagnées de plus de 855 demandes de déréférencement.

Lire également : Free en a assez de payer pour le blocage des sites pirates

Plusieurs ONG, dont Freedom House estiment que la France fait partie des pays où la liberté sur internet régresse le plus vite, tandis que Reporters sans frontières place la France dans sa liste des pays “sous surveillance”.

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