La France autorise le blocage massif des adresses IP en temps réel pour lutter contre le piratage sportif

Un système de blocage massif et automatique des sites pirates devrait voir le jour en France. Mais la lutte contre le piratage des programmes sportifs risque de faire des victimes collatérales. 

Site Web bloque
Crédit : 123RF

La lutte contre le piratage sportif pourrait bien avoir pris un tournant en France. La proposition de loi Lafon a été adoptée par le Sénat cette semaine. Ce texte prévoit d'autoriser les ayant-droits à recourir à un système entièrement automatisé pour bloquer les sites pirates. Et ce, sans avoir à obtenir le feu vert préalable de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

Les grands acteurs du sport sont déjà prêts à mettre en œuvre un dispositif massif pour profiter des libertés permises par la nouvelle législation. Comme le rapporte L'Informé, la Ligue de Football Professionnel (LFP) et l'Association pour la protection des programmes sportifs (APPS), qui regroupe des diffuseurs comme Canal+, beIN Sports ou encore Eurosport, ont déjà avancé leurs pions pour commencer à agir dès que la loi entrera en vigueur.

Les FAI auront un rôle à jouer, un accord secret est déjà scellé

Xavier Spender, représentant de l'APPS, a expliqué au média que l'objectif est de prendre des mesures aussi drastiques qu'en Espagne, Italie ou Royaume-Uni, mais en s'adaptant au contexte français. Il ajoute que l'infrastructure qui sera mise en place devrait être en mesure de bloquer les serveurs en tête du réseau, c'est-à-dire au plus haut niveau possible de l'architecture pirate, afin d'empêcher le clonage des sites pirates, qui réapparaissent sous une nouvelle adresse IP très rapidement après un blocage manuel.

Toujours d'après L'Informé, les diffuseurs représentés par l'APPS auraient déjà conclu un accord de principe secret avec les quatre grands fournisseurs d'accès à internet français : Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. Les discussions entre tous les acteurs seraient menées depuis 2023, laissant le temps de décider tous les détails du projet, qu'il s'agisse de la partie technique (comment bloquer les sites pirates) et financière (comment et qui va payer cet ambitieux système).

Pour la LFP, tout cela tombe à pic. L'accord de diffusion avec DAZN est tombé à l'eau et la Ligue a décidé de lancer sa propre chaîne pour retransmettre la Ligue 1. Elle vient d'ailleurs de lancer un appel d'offres pour la production et la distribution de celle-ci. Les négociations seront forcément facilitées avec l'argument de ce système de blocage massif et automatique, même si on ne peut présumer de son efficacité pour l'instant.

Le risque du blocage trop zélé

“L'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, ne travaille pas les week-ends. En Angleterre, on est capable de bloquer 10 000 liens en deux jours, en Italie, c'est 18 000. Et l'Arcom, c'est 5 000 par an. Autrement dit, l'Italie réalise en un week-end ce que l'Arcom met trois ans et demi à faire !”, se plaignait Brice Daumin, directeur général France de DAZN, dans les colonnes du Figaro en début d'année. Mais avec ce nouveau dispositif, les sites légitimes peuvent-ils craindre de devenir des dommages collatéraux ?

L'EurolISPA, association de fournisseurs d'accès à internet européens, a récemment mis en garde contre l'escalade dans le blocage des sites pirates. Elle estime que les méthodes utilisées sont disproportionnées et doivent être revues. “Malgré de nombreux incidents de surblocage, certains États membres continuent d'intensifier leurs efforts et ont donc pris des mesures de plus en plus agressives pour étendre les ordonnances de blocage au-delà des fournisseurs d'accès internet locaux”, dénonce l'organisme.

En Espagne, on a constaté que des sites légitimes étaient bloqués lors de chaque week-end de Liga. De l'autre côté des Pyrénées, c'est en s'attaquant aux adresses IP Cloudflare que les ayant-droits s'en prennent aux sites pirates. Mais le système mis en place connait des ratés dans la distinction entre un service qui doit être bloqué, et un autre qui ne doit pas l'être. Cloudflare est allé en justice pour faire entendre sa voie, en vain.

En Italie aussi, le bouclier anti-piratage a tendance à faire du zèle. Il a bloqué une adresse IP gérée par Cloudflare et utilisée par une plateforme pirate. Sauf que celle-ci était partagée par un total de 42 243 794 sites, dont la plupart n'avaient rien à voir avec le schmilblick. Une partie du web italien s'est ainsi effondrée.

En France, l'infrastructure attendue devrait prendre en compte les risques de blocage excessif, mais les bévues peuvent toujours se produire. Les titulaires de droits seraient responsables de leurs erreurs, mais les conséquences à leur encontre restent floues à ce jour.


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