Cet imposteur s’est fait passer pour un astronaute pendant des années, la NASA n’y a vu que du feu !
Les histoires d’imposteurs, tant historiques que fictives, fascinent. Mais les détails de l’histoire que l’on s’apprête à vous raconter sont tellement énormes qu’ils n’auraient pas pu être inventés. Voici la folle histoire de Robert Hunt.

Ferdinant Waldo Demara, le faux médecin qui a inspiré Hollywood, Frank Abagnale Junior, campé par Léonardo Di Caprio dans Catch me if you can, ou encore Anna Sorokin, alias Anna Delvey, dont Netflix s’est approprié l’histoire avec Inventing Anna… L’histoire regorge d’imposteurs, tous plus créatifs les uns que les autres.
Certains rêvent d’étoiles, non pas sur Hollywood Boulevard, mais littéralement. Quoique, pendant les années 1980, les astronautes étaient adulés. Pourtant, les imposteurs spatiaux – tels que Jerry G. Tees et Jerry Whittredge – restent rares. Mais celui à l’histoire la plus rocambolesque reste Robert Hunt. La voici.
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La tête dans les étoiles dès le plus jeune âge
19 heures, janvier 1989, Boston. L'Experimental Aircraft Association est suspendue aux lèvres d’un homme : combinaison de vol bleue, écussons de la NASA et anecdotes dignes de Top Gun. Cet homme, c’est Robert J. Hunt, 27 ans. Il tient en haleine cette salle comble pendant deux heures et demie, répond (ou plutôt ne répond pas) habilement aux questions, enchaîne les poignées de mains, signe des autographes et donne aux pilotes amateurs la sensation d’avoir rencontré une légende.
C’est là que notre histoire prend une tournure intéressante. Hunt n’a jamais été dans l’espace. Il n’a même pas le permis de conduire. Moins d’une semaine plus tard, il est arrêté et les unes des médias relatent son incroyable imposture. Son obsession pour l’espace naît alors qu’il n’a que 7 ans, lorsqu’il regarde l’alunissage d’Apollo 11. Il s’identifie à Armstrong et Shepard, qui comme son grand-père, servent dans la Marine. Pendant la guerre du Vietnam, il se faufile dans un hôpital naval, vole des uniformes et se salue. Il s’imagine déjà explorateur des mondes lointains, rapporte Jeff Maysh sur Space.com.

Un imposteur de haut vol
Mais l’escroquerie aussi coule dans ses veines. À 14 ans, il vend des moineaux qu’il fait passer pour des canaris. Et chez les Hunt, la mise en scène du rêve militaire est une affaire de famille. Son père, Leo, n’a jamais servi, mais se fait appeler « Colonel Hunt » et rédige un livre de souvenirs de guerre… totalement inventés. Hunt est réformé du Corps des Marines en 1979 – une « erreur administrative », d’après lui. Sa vie n’est ensuite qu’un enchaînement de costumes trop grands pour lui : entrepreneur fictif, inventeur farfelu, faux producteur, sportif professionnel imaginaire… Hunt change de carrière comme d’épouse.
Mais le costume sur mesure qu’il désire : c’est celui d’astronaute de la NASA. Il veut être « le premier imposteur à voyager dans l’espace ». À force de détermination, de mensonges et de culot, il devient faux sous-lieutenant s’infiltrant sur une base aérienne, prétendu pilote d’hélicoptère, diplômé imaginaire de l’Académie navale, astronaute en formation à la NASA. Il se fabrique un dossier militaire de toutes pièces, récupère des uniformes et achète pour vingt dollars des insignes. Il s’octroie même une promotion : capitaine Hunt devient « le plus jeune astronaute des Marines ». Il raconte avoir été formé à Rocket City, étudié les propulseurs auprès de Morton Thiokol, et passé des tests physiques au centre spatial Johnson. Aucune trace officielle ne corrobore ses dires — mais la frontière entre fantasme et auto-conviction est déjà floue.
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Une supercherie qui implose telle une supernova
28 janvier 1989, un homme frappe à sa porte : Andrew Palombo, agent de police du Massachussets, 1,93 mètre de ténacité. L’agent a méthodiquement démasqué toutes les arnaques de Hunt. Lors de la perquisition sont retrouvés matériel militaire, combinaisons, insignes… Tout l’attirail du parfait imposteur spatial. Hunt tente de fuir, en vain. Il est condamné à deux ans de prison avec sursis, ne rembourse pas un seul dollar à ses victimes, quitte la ville sans payer les 20 000 dollars d’honoraires dus à son avocat. Des mandats d'arrêt sont émis : le 28 juillet 1989, Hunt est officiellement en cavale.

Dès sa libération en mai 1989, Hunt récidive – sous l’œil attentif de Palombo qui finira par se tuer en moto – : le voilà médecin, agent fédéral et même chef de l’unité SEAL Team 6 au Presidio, l’élite antiterroriste de la Marine. C’est finalement une place de parking de Général qui le trahit. Arrêté par le FBI, il est condamné à un en de prison en juillet 1994. L’imposteur range définitivement ses faux uniformes après les événements du 11 septembre qui rendent ses plans « impossibles » et la loi du Stolen Act Valor de 2005, rendant illégale toute fausse déclaration de décorations militaires.
Le roi du storytelling
Comme tous les escrocs, Hunt mêle vérité, embellissement et pure invention. La recette d’une histoire divertissante en somme. Au total, il aura réussi à se faire passer pour un astronaute de la NASA et pilote de chasse des Marines, à duper des associations aéronautiques, à se faire inviter par des élus, à séduire plusieurs femmes et à soutirer plus de 60 000 dollars par différents stratagèmes. Mais comment a-t-il pu tromper autant de monde ?
Hunt a fait preuve d’une véritable ingénierie du mensonge : il connaît le jargon militaire, les bases, les procédures… Ce vernis de vraisemblance forme un effet de halo. Et selon Drew A. Curtis, professeur de psychologie et spécialiste des menteurs pathologiques, la plupart de ses victimes agissaient selon un « biais de vérité ». Enfin, l’effet de conformité sociale muselait les sceptiques par peur d’être isolé.
Aujourd’hui, Hunt a 63 ans, peu d’amis, vit dans le New Hampshire et passe ses journées devant History Channel. Quand on l’interroge sur ses regrets, il évoque « les personnes qui ont été blessées », surtout ses ex-femmes. Le cas Hunt est un exemple de supercherie narrative et il met en lumière qu’aucune sphère ne devrait être exempte de vérification, la fiction pouvant être une arme redoutable. Hunt n’aura finalement jamais été dans l’espace, mais il aura réussi à nous embarquer un temps dans son mensonge interstellaire.

