Spotify remplit vos recommandations avec de fausses chansons à bas prix pour faire des économies sur le dos des artistes

D'après une enquête de longue haleine menée par une journaliste du site Harpers, Spotify remplit en réalité vos recommandations avec des chansons génériques achetées à bas prix par la plateforme. Cette méthode permettrait au service de streaming de faire des économies sur les royalties versées aux “vrais” artistes.

spotify artistes fantome
Crédits : Adobe Stock

D'où vient réellement la musique qui compose vos playlists recommandées par Spotify ? Liz Pelly, journaliste pour le site Harpers, s'est penchée sur cette question à travers une enquête de longue haleine. Et autant dire que ses conclusions sont troublantes.

Dans un article fleuve de plusieurs pages, Liz Pelly revient en détails sur les pratiques douteuses de Spotify en la matière. Si vous maîtrisez l'anglais, on vous invite bien entendu à lire cette enquête passionnante. A défaut, nous allons tenter de résumer ici dans nos colonnes les découvertes édifiantes de cette journaliste spécialisée dans l'industrie du streaming musical.

Le PFC, l'arme secrète de Spotify pour remplir ses playlists de fausses musiques

Pour faire simple, Liz Pelly a découvert que Spotify utilisait un programme, baptisé PFC (Perfect Fit Content), pour remplir les playlists recommandées avec des chansons achetées à bas prix par la plateforme. Ces titres, qui pullulent notamment dans les playlists de musiques relaxantes (Jazz, Lo-Fi House, Chill Instrumental Beats, etc.), proviennent en majorité de banques de musiques stock. Pour les néophytes, il s'agit de morceaux sous licence (souvent génériques au possible) dédiés d'ordinaire à un usage commercial pour des pubs, des séries TV, des jeux vidéo, ou des vidéos en ligne.

Parmi les noms cités, Liz Pelly cite notamment Epidemic Sound et Firefly Entertainment, deux banques de musiques stock majeures. Mais selon elle, il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg, Spotify comptant en vérité une douzaine de fournisseurs pour le PFC. Grâce à ces partenariats, Spotify achète donc de la musique générique à bas coût qui sert à garnir ses playlists de musiques d'ambiance les plus populaires. Ensuite, les employés de la plateforme se chargent de leur donner une place importante dans les playlists, au détriment des morceaux de véritables artistes.

Spotify sur iPhone
Crédits : 123RF

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Des artistes créés de toute pièce

Pour Spotify, c'est “tout bénéf”, puisque cette méthode permet de réduire le nombre d'écoutes des vrais musiciens… et par extension le montant des royalties payés par le service de streaming. Pour camoufler cette esbroufe aux yeux du grand public, ces musiques sont affiliées à des “artistes fantômes”, des musiciens créés de toute pièce par les banques de musiques stock et Spotify.

Liz Pelly prend pour exemple Ekfat, un artiste qui aurait signé une poignée de morceaux depuis 2019, principalement via la société Firefly Entertainement. Ses titres sont apparus dans les playlists “Lo-Fi House” et “Chill Instrumental Beats” et accumulent aujourd'hui plus de quatre millions d'écoute. Dans sa biographie sur Spotify, il est décrit comme “un beatmaker islandais de formation classique, diplômé du conversation de musique de Reykjavik, et membre du groupe légendaire Smkkleysa Lo-Fi Rockers depuis 2017″. 

Or d'après Linus Larsson, rédacteur en chef du quotidien suédois Dagens Nyheter qui a oeuvré sur cette affaire en 2022, cette biographie a été totalement inventée.C'est probablement l'exemple le plus absurde, car ils ont vraiment essayé de faire de lui le producteur de musique le plus cool que l'on puisse trouver”. La page Instagram d'Ekfat laisse effectivement penser à un artiste fantôme : seulement 3 publications depuis 2020, pour 62 followers. 

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Capture Instagram

Un grave problème pour la survie des musiciens

Vous l'aurez compris, le problème ici est qu'il existe déjà des tonnes de musiques d'ambiances légitimes. Et si cette musique est reléguée au second plan par des titres achetées par Spotify à bas coût, cela va nuire forcément à la carrière des musiciens spécialisés dans ces genres, mais aussi aux genre eux-mêmes. Liz Pelly le résume très bien dans son article :

Spotify s'était depuis longtemps présenté comme la plateforme ultime de découverte – et qui allait s'enthousiasmer à l'idée de “découvrir” un tas de musiques d'archives ? On avait vendu aux artistes l'idée que le streaming était la méritocratie ultime – que les meilleurs se hisseraient au sommet parce que les utilisateurs les écouteraient. Mais le programme PFC a mis fin à cela. Le PFC n'était pas le seul moyen par lequel Spotify manipulait délibérement et secrètement la programmation pour favoriser les contenus qui amélioraient ses marges, mais c'est de loin le plus révoltant”, résume-t-elle.

Source : Harpers


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