Sans le Tour de France, Mario Kart n’existerait pas. On vous raconte la genèse de ce jeu vidéo légendaire
Cette fois, c’est la bonne ! Après plusieurs mois d’attente, le très attendu Mario Kart World, fer de lance de la Nintendo Switch 2, est enfin parmi nous. Fort d’un monde ouvert riche en possibilités, ce nouvel épisode est innovant à bien des égards et nombreux sont ceux à ne plus le quitter depuis le lancement de la console il y a deux jours. Chez Phonandroid, on a décidé de faire une (courte) pause pour revenir sur la genèse de cette saga emblématique et comme vous allez le voir, l’idée n’est pas venue d’un claquement de doigts. 3, 2, 1, Go !
Absolument incontournable dans le paysage vidéoludique, Mario Kart est une des franchises les plus populaires de Nintendo. Sortie initialement sur Super Nintendo il y a plus de trente ans, elle est née de l’imagination de deux hommes, Tadashi Sugiyama et Hideki Konno, ce dernier étant passionné par le Tour de France. Pour comprendre d’où vient cette série ultra conviviale, on vous invite à grimper à bord de notre DeLorean et à remonter à l’ère des pixels de F-Zero.
Zéro pointé pour la suite de F-Zero
À l’automne 1990, les équipes de Nintendo s’activent pour boucler les préparatifs du lancement japonais de la Super Nintendo. Prévue le 21 novembre, elle est attendue avec Super Mario World, la nouvelle aventure du plombier moustachu, et F-Zero, un jeu de course futuriste faisant étalage des incroyables capacités visuelles de la machine. En dépit de la qualité de ce dernier, le producteur Shigeru Miyamoto regrette que les développeurs n’aient pas été capables d’ajouter un mode deux joueurs en écran splitté. Aussi, plutôt que d’opter pour une suite intégrant cette option, le papa de Mario invite certains membres du staff à plancher sur un jeu qui soit à même de répondre à cette problématique. Des premiers tests sont effectués, mais la sentence est sans appel : les développeurs ne maîtrisent pas encore la console et l’affichage de deux écrans impacte directement la vitesse d’animation. Il va donc falloir ruser…
De cette expérience, les développeurs comprennent que le jeu devra porter sur un autre aspect que la vitesse. Prônant une philosophie contraire à F-Zero, qui met le paquet sur les sensations, un premier prototype est réalisé avec des voitures de F1, mais le rendu ne convainc pas l’équipe et l’esprit de cette discipline est jugé trop sérieux par plusieurs membres. Une autre idée va alors poindre le bout de son nez. Tadashi Sugiyama se souvient : « Au début du développement, nous avons fait beaucoup de recherches. J’ai notamment lu un guide d’introduction aux courses de kart et j’ai regardé une vidéo sur les concours de dérapages. » Du kart !? Voilà la solution ! Ce sport est idéal pour mettre en avant des véhicules qui se défient dans des lieux fermés, avec un pilotage technique et sans qu’il soit question d’une vitesse ébouriffante. Conscients que l’idée est la meilleure, le staff parvient à convaincre le producteur, Shigeru Miyamoto, de se rendre plusieurs jours dans un parc de loisirs près de la ville balnéaire de Shima. Ils multiplient les tours de piste pour comprendre le pilotage d’un kart et ses réactions.
Ravis de cette expérience, les développeurs reviennent au bureau avec des idées plein la tête. Outre l’absence du compteur kilométrique (qui pourrait donner une fausse impression de vitesse), ils se mettent à travailler, en parallèle des courses du mode Grand Prix, sur un mode Battle où les pilotes s’affrontent à base de karts équipés de mitrailleuses tirant des projectiles. Il y a aussi des barils d’huile qui permettent de ralentir les concurrents. Mais le constat est sans appel : les pilotes sont moches, les arènes sont vides et si les sensations, héritées de l’expérience de karting, ne sont pas mauvaises, elles ne mènent finalement à rien. C’est finalement un détail qui va tout changer…
Une banane qui change tout
Hideki Konno se rappelle : « Un jour, quelqu’un a proposé de remplacer les barils d’huile par des peaux de bananes pour apporter un peu de couleur. On a ensuite pensé que les bananes colleraient mieux à Donkey Kong et, de fil en aiguille, on a fini par ramener d’autres personnages liés à Mario… » En optant pour le lore du plombier, les choses vont alors s’accélérer, le jeu devient plus coloré, plus fun, les objets à utiliser sont inspirés des aventures de Mario (bombe, carapaces…). Après s’être concentrés sur le mode Battle avec ses arènes fermées, l’équipe se penche sur les courses. Un temps perturbés par l’idée d’utiliser des items au cœur des courses, les concepteurs comprennent qu’ils sont en réalité l’essence même de leur nouveau jeu.
Pour Hideki Konno, qui s’est chargé de l’enveloppe visuelle du jeu (et qui deviendra producteur historique de la série), c’est presque une revanche. Passionné par le cyclisme et du Tour de France, celui-ci a proposé un jeu de ce type à ses supérieurs, mais cette proposition fut rejetée. Avec Super Mario Kart, grâce à un équilibrage parfait (les items les plus puissants sont donnés à ceux qui sont en bout de course), il a pu retrouver les sensations que peut procurer une course de cyclisme. « Les courses de Mario Kart ressemblent à des courses de peloton », explique-t-il. « Pourquoi ? Parce qu’une course de peloton réserve toujours des surprises. Le final est très excitant parce qu’il peut se passer n’importe quoi dans les derniers mètres. Toute personne qui a déjà joué à Mario Kart peut en effet confirmer qu’un renversement brutal de situation n’est jamais exclue pendant une partie. »
Vous l’aurez compris, la série Mario Kart est née d’un ensemble de circonstances qui a fait que la vitesse, les personnages lambda et l’idée d’instaurer un principe rappelant les pelotons des courses de cyclisme ont poussé les développeurs a trouvé des solutions ingénieuses. Les véhicules à grande vitesse, type F1, ont été remplacés par des karts. Le compteur de vitesse a été supprimé pour empêcher toute mauvaise impression de lenteur (la vitesse d’un kart oscille entre 80 et 90 km/h) et l’univers très générique a été remplacé par le lore de Mario. Les objets, quant à eux, ont été pensés pour rendre conviviales les courses, tout en donnant une véritable chance aux pilotes à la traine. Super Mario Kart sur Super Nintendo a donné le coup d’envoi à une série extraordinaire de convivialité. L’intelligence de l’équipe a été de ne pas rendre trop réaliste la conduite des karts, tout en adoptant un système de dérive très efficace avec le saut (en pressant L ou R, le kart effectue un petit bond, ce qui est idéal pour mieux négocier les virages). Tout cet ensemble a fait de Mario Kart la saga que l’on connaît aujourd’hui et Mario Kart World s’inscrit pleinement dans cette notion de plaisir. Tout en modernisant la formule avec ses nouvelles actions et son monde ouvert, il promet des heures de jeu par milliers.
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Le plus amusant dans l’histoire, c’est qu’Hideki Konno a eu gain de cause. S’il n’a pas eu l’autorisation son jeu de cyclisme (Miyamoto craignait que la pression répétée des boutons pour simuler le pédalage allait rapidement ennuyer les joueurs), il a tout de même réussi à introduire des deux-roues avec l’épisode Wii. Et de nos jours, les motos sont encore là. Peut-être qu’un jour, des vélos seront de la partie !