Les joueurs de jeux vidéo harcèlent Visa et MasterCard au téléphone et par mail, mais pourquoi ?
Depuis quelques jours, les services client de Visa et Mastercard croulent sous les appels et les mails furieux de joueurs de jeux vidéo. La plainte est toujours la même, on vous explique ce qu'il se passe.

Si vous avez installé ne serait-ce qu'un seul jeu vidéo sur votre ordinateur, il y a de très fortes chances que vous l'ayez acheté sur Steam. La plateforme de Valve est en effet le leader incontesté du jeu dématérialisé, et de loin. La possibilité d'y trouver ce que l'on veut ou presque y est pour quelque chose. L'astuce pour proposer un catalogue quasi-infini ? Permettre à n'importe qui de publier son jeu moyennant un paiement de 100 $.
Un système qui a grandement participé à l'essor du jeu vidéo indépendant au début des années 2000, mais qui a fatalement conduit à des abus. Et même si Steam commence à faire le ménage en supprimant certains types de jeux, il en reste qui ne font pas l’unanimité. Sorti en juin dernier, le titre No Mercy a mis le feu aux poudres. Il faut dire qu'il faisait l'apologie des violences faites aux femmes et du viol. Il a rapidement été retiré du magasin, mais les conséquences vont bien au-delà.
Pourquoi les services client de Visa et Mastercard croulent sous les appels des joueurs
Suite à une lettre ouverte aux services de paiement utilisés sur Steam (Visa, MasterCard ou PayPal pour ne citer qu'eux), l’association australienne Collective Shout a obtenu un changement radical dans la politique de Steam. Si vous ne la connaissez pas, elle a voulu faire interdire le jeu Detroit Become Human en 2018 à cause de son contenu violent, sans comprendre qu'il le dénonçait justement.
Steam a donc a mis à jour ses conditions d'utilisation pour préciser que sont désormais interdits les jeux qui “pourraient violer les règles et normes définies par les systèmes de paiement et les cartes et réseaux bancaires, ainsi que celles des fournisseurs d’accès à internet. En particulier, certains genres de contenus réservés aux adultes“. De nombreux jeux ont été supprimés dans la foulée.
Furieux, des joueurs se sont immédiatement mobilisés pour commencer ce qu'on pourrait appeler une guerre d'usure avec notamment Visa et MasterCard. Ils ne cessent d'appeler le service client pour se plaindre et de saturer les boîtes mails avec des messages du même acabit. D'aucuns trouveront la démarche un peu puérile, mais elle ne doit pas faire oublier le problème de fond que la décision de Steam vient d'engendrer.
Le changement de politique de Steam pourrait-t-il conduire à une forme de censure des jeux vidéo ?
Steam s'est clairement déresponsabilisé en rejetant la prise de décision sur les moyens de paiement. Où ces derniers vont-ils placer la barre désormais ? Dans les faits, Visa, MasterCard, PayPal et consorts décideront des jeux vidéo que l'on peut acheter ou non. Certains titres sont clairement problématiques, mais quid de ceux qui traitent de sujets difficiles pour provoquer le débat ? Vont-ils pouvoir exister ou disparaître de peur de choquer l'opinion ?
Prenons l'exemple de Wednesdays d'Arte, qui aborde les violences sexuelles intrafamiliales. Quiconque y a joué sait pertinemment qu'il s'agit ici de dénoncer ce fléau. Sauf que techniquement, le thème traité le place directement dans le viseur de la nouvelle politique de Steam. En tant que développeur ou éditeur de jeux vidéo, se passer de la plateforme de Valve, c'est se priver d'un énorme potentiel de joueurs et joueuses. Les indépendants (et les autres) ne peuvent pas se le permettre.
Pour le moment, la réponse de Visa et MasterCard se veut rassurante. Exemple avec celle de Visa : “Nous ne portons aucun jugement moral sur les achats légaux effectués par les consommateurs. Visa ne modère pas le contenu vendu par les commerçants et n'a aucune visibilité sur les biens ou services spécifiques vendus lors du traitement d'une transaction“. Les internautes n'y croient pas et appellent à continuer les actions entamées jusqu'à obtenir le retrait de la nouvelle règle de Steam.

