La NES a 40 ans : l’histoire d’une machine de légende

C’est il y a 40 ans qu’est sortie au Japon la toute première version de la NES, baptisée Famicom au pays de ses concepteurs. Retour sur l’histoire de cette machine iconique qui a fait de Nintendo un acteur majeur sur le marché du jeu vidéo.

NES

Il y a 40 ans, nous étions le 15 juillet 1983. Ce jour-là naît une machine qui va changer l’histoire du jeu vidéo, et que le grand public considère à tort comme la toute première console de jeux vidéo de l’histoire de Nintendo : la Famicom, connue en Occident sous le nom de NES (Nintendo Entertainement System). Une machine qui révolutionna son domaine en son temps, grâce à des titres cultes comme Super Mario Bros ou The Legend of Zelda.

Un certain sens de l’opportunisme

En 1983, le marché du jeu vidéo est en pleine crise. Un célèbre krach frappe lourdement cette jeune industrie, marquée notamment par les pertes monumentales d’Atari, alors leader du secteur. Si ce dernier y survit, tout comme Activision, d’autres sociétés moins puissantes s’effondrent et disparaissent, là où d’autres cessent toute forme d’activité liée au jeu vidéo, comme Coleco ou Magnavox. Nintendo, de son côté, profite en quelque sorte du contexte pour tirer son épingle du jeu, bien que n’ayant absolument pas anticipé la situation…

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En effet, lorsque la firme entame fin 1981 la production de sa deuxième console de jeux, qui doit succéder à la Color TV Game, rien ne la destine à un succès mondial sans précédent. Nintendo est alors un acteur encore très jeune sur un marché par ailleurs dominé par les États-Unis, et non par le Japon à l’époque. Bientôt centenaire, mais historiquement spécialisée dans les cartes à jouer, la société basée à Kyōto commence à se faire un nom avec Donkey Kong, nouvelle référence dans le domaine de l’arcade ainsi que ses célèbres jeux électroniques de poche : les Game & Watch, conçues par le génial Gunpei Yokoi.

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Familiale, puissante et économique

Produite de 1977 à 1980, la Color TV Game, console embarquant directement des jeux intégrés sans lecteur de cartouches ou de disquettes, rencontre un succès honorable mais pas spécialement marquant. Nintendo se fait davantage un nom avec les Game & Watch, ce qui est l’occasion de breveter la croix de direction utilisée sur toutes les manettes de jeu depuis quatre décennies. Toutefois, le tout nouveau constructeur de jeux vidéo a une ambition : faire de sa prochaine machine un lecteur de cartouches vendues séparément, et qui transpose en quelque sorte le concept de l’arcade dans le domicile des joueurs japonais. La console se veut également conviviale (d’où son nom, abréviation de “Family Computer”) mais elle doit surtout remplir un défi imposé par le légendaire président Hiroshi Yamauchi : il faut qu’elle soit puissante et en avance sur la concurrence, tout en restant commercialisée à un tarif abordable inférieur à 10 000 yens (environ 65€ aujourd’hui, mais plus proche des 85 avec l’inflation).

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Réputée pour compter ses sous et essayer de rogner pour économiser le moindre yen, Nintendo commence par opter pour une coque en plastique rouge uniquement car il s’agit du coloris le moins cher à l’époque. La conception de la machine prend plus d’un an et demi à la firme kyotoïte, qui ne remplit pas tout à fait ses trois paris puisqu’elle la commercialise à 14 800 yen à sa sortie, en compagnie de trois portages de hits de l’arcade maison : Donkey Kong (1981), Donkey Kong Jr. (1982) et Popeye (1982). Elle est cependant la console la moins chère du marché à sa sortie, tout en étant ce qui se fait de mieux en termes de puissance, bien que ses spécifications techniques prêtent à sourire 40 ans plus tard. Le processeur de la Famicom tourne en effet à 1,79 MHz, et sa RAM s’élève à… 2 Ko (les cartouches permettant toutefois d’en rajouter), pendant qu’elle dispose d’une définition d’affichage est de 256*240 pixels et d’une palette de 64 couleurs. On est loin des 3,5 GHz du processeur de la PS5, de ses 16 Go de RAM et de sa résolution allant jusqu’à 8K…

Big in Japan

Il serait naturel de penser qu’avec tous ces éléments en mains, le succès était acquis d’avance pour la Famicom. Plus puissante et moins chère que les machines concurrentes, la console aux tons beige et bordeaux débarque sur le marché au moment où une telle console avait quelque chose de salvateur en pleine crise. Elle est, qui plus est, accompagnée de titres de qualité qui font immédiatement sa renommée. Le président Hiroshi Yamauchi estimait d’ailleurs qu’il était nécessaire qu’une console dispose d’un catalogue qualitatif car c’était à ses yeux ce qui permettait de la différencier et de contribuer à ses ventes – une politique qui perdure depuis quatre décennies chez Nintendo.

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Metroid (1986)

Toutefois, les débuts de la Famicom sont poussifs, pour ne pas dire délicats. Elle rencontre notamment des ralentissements et le constructeur subit de nombreux retours, l’obligeant à développer un modèle amélioré avec une nouvelle carte mère. La réactivité de Nintendo est payante : un demi-million de copies sont écoulées en deux mois, et la Famicom est la console de jeux vidéo la plus vendue au Japon en 1984. Il est désormais temps de conquérir l’Amérique, un territoire où Nintendo n’osait pas trop s’aventurer face à la toute-puissance d’Atari. Mais ça, c’était avant le krach de 1983…

Le rêve américain de Nintendo

Revigoré par le carton local de la Famicom, Nintendo est clairement attiré par la perspective de chercher sur son terrain une concurrence fragilisée. Pourtant, la tentation de suivre la mode grandissante des micro-ordinateurs était forte, et la firme avait même envisagé de rajouter un clavier ou un joystick à sa machine, dévoilant un prototype appelé “Advanced Video System” lors de l’édition estivale du CES (Consumer Electronics Show) de Las Vegas en 1984. En fin de compte, c’est bien une version relookée de la Famicom que Nintendo dévoile un an plus tard lors de l’édition suivante du salon, en juin 1985. Son look est différent : la Nintendo Entertainement System, que tout le monde appellera très vite “NES”, est un pavé alternant les nuances de gris, équipé d’un lecteur de cartouches interne refermable avec un clapet, et les manettes suivent bien sûr la tendance.

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C’est le 18 octobre 1985 qu’arrive la NES sur le marché américain. La version occidentale de la Famicom change le cours de l’histoire du jeu vidéo, avec un démarrage canon aux États-Unis : les 50 000 exemplaires prévus pour le lancement new-yorkais trouvent tous preneur très rapidement, et le reste du territoire est très vite approvisionné, avant que le reste du continent nord-américain n’ait également droit, à son tour, à la grosse brique grise… et son incroyable catalogue de jeux.

Roulez (sur la concurrence), jeux NES !

Conformément à la volonté du président Yamauchi, Nintendo débarque dans un nouveau monde avec un “line-up” de 18 jeux (!), très solide aussi bien en terme de quantité que de qualité. On pense notamment à Donkey Kong Jr. Math, Duck Hunt, Excitebike, Golf, Gyromite, Hogan's Alley, Ice Climber, Kung Fu, Pinball, Tennis, Wild Gunman ou Wrecking Crew… mais surtout à Super Mario Bros. Paru un mois plus tôt au Japon, un vendredi 13 qui lui porta clairement chance, le chef-d’œuvre de Nintendo R&D4 avait pour objectif de servir en quelque sorte de chant du cygne à la Famicom avant l’arrivée de l’extension Disk System (à laquelle seule le Japon a eu droit). Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nintendo a refermé ce chapitre en beauté.

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Super Mario Bros 2 (1986)

Avec Super Mario Bros, le jeu vidéo fait un bond en avant phénoménal. Ce jeu de plateformes à défilement horizontal révolutionne le jeu d’action comme jamais auparavant. Le coup de génie de Shigeru Miyamoto et Takashi Tezuka devient non seulement un best-seller irrésistible, mais aussi un des jeux vidéo les plus influents de tous les temps. Son succès est international, contribue à populariser encore un peu plus la NES en Occident, alors que SEGA réagit enfin en publiant au Japon sa “Mark III”, plus connue sous le nom de Master System… le 20 octobre 1985. Si le constructeur rival est plus prompt à développer des versions occidentales de sa machine, la réussite de Nintendo en face est totale, alors qu’il n’a pas encore conquis le marché européen.

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The Legend of Zelda (1986)

C’est à la rentrée 1986 que le constructeur débarque enfin sur ce territoire qu’il ignorait jusqu’ici, alors que le succès est déjà grandement assuré au Japon et aux États-Unis. Nintendo est devenu un leader incontestable du marché, et continue de produire des cartouches d’exception qui révolutionnent à leur manière d’autres genres de jeu. Ainsi, en février 1986 paraît The Legend of Zelda, titre de lancement du Famicom Disk System, considéré comme l’autre grand tour de force inoubliable de la firme et de son équipe de génies sur cette génération. En un peu plus de deux ans, Nintendo a totalement transfiguré le paysage du jeu vidéo dans le monde, et offert une popularité sans commune mesure aux jeux vidéo sur console de salon.

La première d’une grande lignée

Si la NES met un temps fou à débarquer sur certains territoires (en France, nous n’y aurons droit qu’en octobre 1987 !), sa longévité relativement hors du commun lui assure un succès commercial impressionnant. Au total, ce sont près de 62 millions de machines qui ont été distribuées dans le monde, soit un peu plus du double de l’Atari 2600, la seule autre console parue avant l’ère 16-bits (Mega Drive et Super Nintendo) à avoir franchi le cap des 15 millions d’exemplaires. La Master System n’a en effet pas atteint le quart des ventes de la NES. Des chiffres qui donnent le tournis, et qui expliquent pourquoi Nintendo a pris les commandes du secteur durant les années 1980… et a continué de les dominer jusqu’au milieu des années 1990.

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Son héritière, la Super Nintendo, connaît un succès comparable, et que dire de la Game Boy, alternative portable (et monochrome) parue en 1989 et considérable comme un des plus grands phénomènes de société de l’histoire ? Si Nintendo a autant marqué de son empreinte l’industrie du jeu vidéo, et continue d’en être un acteur majeur porté par la force de ses franchises maison et de ses idées de gameplay novatrices, c’est bien parce que tout a débuté un jour avec une machine révolutionnaire. Devenue culte malgré sa désuétude, la NES est aujourd’hui un produit “vintage” prisé des collectionneurs – surtout lorsqu’elle fonctionne encore – et son héritage au sein du paysage vidéoludique est considérable.

40 ans après, encore de l’intérêt ?

Très rapidement fasciné par la perspective de faire du neuf avec du vieux, Nintendo n’a pas attendu la Switch pour remettre au goût du jour les classiques de sa première console ultra populaire :  dès 1993 sur Super Nintendo, la compilation Super Mario All-Stars proposait des remakes de la trilogie Super Mario Bros en permettant aux joueurs japonais comme aux occidentaux de découvrir la version de “SMB2” qu’ils n’avaient pas connue : Super Mario Bros 2 n’est en effet pas du tout le même jeu sur Famicom Disk System et sur NES. Au Japon, c’est une suite directe du premier volet, beaucoup plus difficile ; en Occident, il s’agit d’une version arrangée du jeu japonais Doki Doki Panic dans lequel ont été intégrés les personnages et éléments de l’univers de Mario. Par la suite, la Game Boy Color (aux allures de NES portable) livrera son propre portage amélioré de Super Mario Bros, titre dont la version originale fut écoulée à environ 50 millions d’exemplaires et demeura longtemps le jeu vidéo le plus vendu de l’histoire.

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Cependant, c’est en 2004 avec la Game Boy Advance que Nintendo donna une toute nouvelle dimension à sa console culte, avec l’arrivée de la gamme Famicom Mini (ou NES Classics en Occident) consistant en des portages bruts d’une quinzaine de hits de la machine, en boîte et à tarif réduit. La machine s’offrit alors une sorte de seconde jeunesse avant que la console virtuelle, d’abord sur Wii puis sur 3DS et Wii U, ne permette aux joueurs de (re)découvrir des dizaines de jeux Famicom et NES en dématérialisé. La production de la Famicom/NES Classic Mini en 2016 fut ensuite une occasion supplémentaire de titiller la fibre nostalgique des joueurs en leur donnant accès à un catalogue de jeux phares dans une version miniature de la console, avec une reproduction identique de sa manette iconique d’origine.

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Enfin, à partir de septembre 2018, Nintendo a inauguré sur Switch son système d’abonnement en ligne, le Nintendo Switch Online, en y intégrant une application NES comprenant à nouveau des grands classiques (un peu toujours les mêmes), de Super Mario Bros à Kirby’s Adventure en passant par Double Dragon, Metroid, les deux Zelda ou encore Gradius. Beaucoup d’entre eux n’ont pas forcément très bien vieilli, mais il reste quand même agréable de disposer d’une ludothèque historique aussi riche à portée de main, et à emporter partout avec soi.

40 ans après son arrivée dans les appartements japonais, la NES n’est pas juste qu’un lointain souvenir d’enfance qu’une application du Nintendo Switch Online fait encore vivre dans nos cœurs. La deuxième console de jeux vidéo conçue par le célèbre constructeur japonais a tout simplement défini le Nintendo que nous connaissons aujourd’hui, économe, porté par ses licences, et désireux d’innover. Elle a aussi et surtout vu exploser Mario, naître Zelda et Metroid, mais aussi de grandes licences d’éditeurs tiers tels que Final Fantasy, Castlevania, Mega Man ou Dragon Quest.


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