L’Europe veut se débarrasser de Visa, Mastercard et Alipay : qu’est-ce qui va les remplacer ?
Et si demain, votre carte bleue venait de Berlin plutôt que de San Francisco ? L’Europe rêve de se libérer de Visa et Mastercard… mais le chemin s’annonce semé d’embuches.
Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a lancé un pavé dans la mare : l’UE doit développer son propre système de paiement pour échapper à l’hégémonie de Visa, Mastercard et Alipay. Objectif affiché : une « souveraineté financière » et un marché unique des capitaux capable d’injecter 2 800 milliards d’euros dans l’économie d’ici 2032. Mais entre les mots et la réalité, il y a un océan de défis.
Face à des géants installés depuis des décennies, l’Europe part de zéro. Le projet, baptisé « Union des marchés de capitaux » (CMU), vise à harmoniser les règles financières entre États membres. L’idée ? Permettre aux entreprises de lever des fonds plus facilement et aux épargnants de placer leur argent sans frontières. Un rêve européen… à plusieurs milliards d’euros près.
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Un réseau européen, pourquoi c’est la galère ?
Premier obstacle : les frais d’interchange. En Europe, ils sont plafonnés à 0,2 % pour les cartes de débit, contre 2 % aux États-Unis. Résultat, les revenus des acteurs locaux sont presque inexistants. Difficile de convaincre des investisseurs de financer un nouveau système moins rentable.
Ensuite, il faut construire une infrastructure rivale. Visa traite 65 000 transactions par seconde. Créer un réseau aussi performant demanderait des milliards d’euros et des années de travail. Sans oublier la compatibilité transfrontalière : chaque pays a ses habitudes (virement instantané en Allemagne, cartes en France…).
Ajoutez à ça la méfiance des consommateurs. « Les Européens sont attachés à leur CB, même si elle est américaine », note un analyste. Les commerçants, eux, devront mettre à jour leurs terminaux. Et les banques ? Elles préfèrent souvent les solutions éprouvées.
Enfin, la gouvernance. Faut-il un système public, comme l’initiative EPI (European Payments Initiative), ou privé ? La France et l’Allemagne s’écharpent déjà sur le modèle. Dans ce contexte, les récentes tensions commerciales avec les États-Unis (taxes douanières de Trump) et la Chine ajoutent de l’urgence. Mais l’Europe parviendra-t-elle à s’unir avant que Apple Pay et Alipay ne dominent totalement le marché ? Une chose est sûre : sans alternative crédible, l’UE restera à la merci des géants étrangers. Reste à voir si les citoyens accepteront de troquer leur Visa contre une « Eurocard »… qui n’existe pas encore.