Project Ara : les smartphones modulables sont-ils l’avenir de la téléphonie ?

La question qui nous brûle les lèvres quand nous regardons évoluer le projet Ara, avec une fascination infantile dans le regard, est de savoir si la chose est juste un tour de force, un gadget, ou bien un projet pérenne qui pourrait transformer le marché des smartphone à tout jamais.

Le Project Ara, si vous avez échappé au phénomène, est l'essence d'Android, version physique. C'est l'idée délirante de concevoir un smartphone modulable, un peu comme un ordinateur de bureau. Dans les faits, le principe fonctionne sur la base d'un squelette, une structure standard existant en trois tailles correspondant aux trois formats types de la téléphonie.

Sur cette structure peuvent se fixer des modules détachables grâce à des aimants électro-permanents, permettant une fixation solide. Ainsi la force tenant les modules à la structure passera de 30 newtons lorsqu'il sera sous tension à 5 newtons lorsqu'il sera éteint, permettant à l'utilisateur de le démonter facilement une fois le courant coupé, sans qu'il tombe alors en morceau pour autant.

L'objectif est de sortir d'ici 2015 des téléphones coûtant entre 100 et 700 euros, tournant sous Android, et ayant une espérance de vie trois à quatre fois supérieure à celle des smartphones actuels, du fait de leur évolutivité. Enfin, bien sûr l'idée est de créer un marché communautaire et open-source tel qu'il existe avec Android, mais avec quelque chose de matériel, permettant au final d'obtenir des smartphones ultra-personnalisés. L'idée à déjà été reprise par Blocks, la smartwatch modulable.

Le projet est fascinant et semble reconsidérer tout le marché du smartphone, mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce que le smartphone du futur est modulable ? Faisons le point à travers la bonne vieille technique des plus et des moins :

Les plus

Un téléphone fait pour vous : vous n'en avez que faire du cardiofréquencemètre mais êtes un accro de l'autonomie ? Pas de problème. Vous voulez booster les performances et la RAM, quitte à recharger sept fois par jour ? C'est faisable aussi. Avec Ara vous faites VOTRE téléphone.

Une évolution linéaire plutôt que par pallier : grâce à ce système, plutôt que de faire des bonds techniques à chaque achat d'un smartphone, suivi par une lente agonie durant laquelle il va être de moins en moins adapté, ici on a la possibilité de suivre les évolutions petit à petit.

Tout est possible :  en ouvrant le marché des composants au collectif, tout peut arriver, faites travailler votre imagination, que voulez vous sur votre téléphone ? Une lumière noire pour détecter les faux-billets ? un mini microscope ? Une alarme incendie ? Sérieusement, pensez-y ! Un tel projet multiplié par l'imagination d'une communauté, ça peut amener des choses dingues.

Bref nous parlons ici des avantages relatifs à la modularité croisé à ceux de l'open source, à savoir une liberté extrême associé à un bouillonnement créatif.

Les moins

Evidemment, le projet Ara a les inconvénients de ses avantages, parmi lesquels nous voyons :

Des pièces moins facilement inter-compatibles : Un premier casse-tête conséquent du projet, c'est évidemment la gestion de l'OS, mais le principe va également fatalement amener à des produits moins optimisés, contrairement à un smartphone pensé comme un ensemble.

L'épaisseur et le design : Pour le design, c'est plus relatif parce que c'est une affaire de goût. Il n'est pas du tout impossible que le style patchwork et ce qu'il évoque en terme de modernité plaise à certaines cibles. En revanche un smartphone plus épais est rarement quelque chose que l'on recherche, mais c'est une conséquence du projet qui va à l'encontre de la tendance actuelle consistant à tout optimiser en interne jusqu'à la suppression des vis pour gagner des millimètres.

Le rapport Prix/Performances/Poids : Les appareils Ara couteront, à modèle “égal”, 25% de plus que leurs homologues tout-en-un, avec une consommation, un poids et une épaisseur supérieurs. C'est le coût de la modularité.

La complexité : Bien que le but soit de créer un objet modulable et simple, pensons à nos parents qui ont déjà parfois du mal avec ce qui nous semble évident. Qu'en serait-il s'ils devaient choisir les composants de leur machine ? Aussi simple soit-il, le smartphone Ara sera toujours plus difficile d'accès qu'un téléphone qu'on allume en le sortant de sa boîte.

Conclusion

Vous l'avez senti venir j'en suis sur, à la question de savoir si le projet Ara sera l'avenir du smartphone, la réponse comme pour tout un tas de question est bien sûr… Ca dépend ! Tout comme avec le monde des ordinateurs avant cela, la population va certainement se diviser entre ceux qui veulent la flexibilité et ceux qui veulent la simplicité.

Dans ce cas précis, les catégories seront peut-être un peu plus nombreuses, même, avec par exemple celle des malheureux qui aimeraient bien la flexibilité mais qui adorent leur smartphone ultra-fin. Enfin, il y aura sans doute la dimension politique qu'il y aura à utiliser un smartphone Ara, c'est le fameux syndrome de “non-mais-tu-vois-Linux-c'est-vachement-simple-en-fait-et-en-plus-c'est-plus-libre-que-Windaube”.

Peut-être alors que pour toute une frange de la population – à priori chez les plus jeunes où chez certains professionnels qui pourraient bien profiter de modules hyper spécifiques – que la modularité sera l'avenir des smartphones. À quelle catégorie appartenez-vous, mais surtout, quels modules inédits voudriez-vous voir apparaitre ?

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