Rester devant les écrans est mauvais pour le cerveau des enfants ? C’est plus compliqué que ça

Alors que de nombreux pays veulent supprimer les écrans pour les plus jeunes, les études montrent que leurs effets ne sont pas si directs et néfastes qu'on veut bien nous le faire croire.

Enfant devant un smartphone
Crédits : 123RF

Pas d'écran avant 1 an, et maximum une heure par jour jusqu'à au moins 4 ans. Voilà la recommandation officielle de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En dehors de ça, difficile de trouver un consensus sur la question. Chaque pays avance ses propres limitations au gré des conclusions de telle ou telle étude. Là où ils sont d'accord en revanche, c'est sur le fait que les enfants doivent être éloignés le plus possible des écrans de smartphone, ordinateurs ou télévisions.

Est-ce cependant la bonne manière de réagir ? Nous avons tous en tête une recherche, ou plusieurs, démontrant un lien entre temps passé devant les écrans et sentiment de mal-être, dépression ou autres impacts négatifs sur la santé mentale. Dès 2013, la neuroscientifique Susan Greenfield disait qu'Internet et les jeux vidéo pouvaient “faire du mal” aux cerveaux des adolescents. Mais sur quoi se basait-elle ? A priori, sur rien. Et c'est bien ça le problème.

La relation entre temps d'écran et effets néfastes sur les enfants n'est pas aussi directe qu'on le pense

Le Journal Médical Britannique disait des propos de Susan Greenfield qu'ils “ne reposent pas sur une évaluation scientifique équitable des preuves […] et sont trompeurs pour les parents et le grand public“. D'autres chercheurs soulignent cet écueil sur de nombreux autres rapports.

Le professeur de psychologie Pete Etchells fait partie de ceux qui ont analysé des centaines d'études sur le temps d'écran et la santé mentale. Sa conclusion est sans appel : “Il n’existe tout simplement aucune preuve scientifique concrète pour étayer les récits sur les conséquences désastreuses du temps passé devant un écran“.

L'homme est loin d'être le seul à le dire. Une analyse de 33 études publiées entre 2015 et 2019 montrent aussi que l'usage d'un smartphone, des réseaux sociaux et des jeux vidéo n'a qu'un “rôle mineur dans les problèmes de santé mentale“. Pour Pete Etchells, le problème vient de la méthodologie utilisée.

Les recherches se basent très souvent sur du déclaratif. Ce sont les participants qui disent combien de temps ils pensent passer devant les écrans et comment ils se sentent après ça. Ensuite, regarder son smartphone ou son PC n'est pas nocif en soi : est-ce que le jeune faisait des recherches pour un projet scolaire ou personnel ? Est-ce qu'il regardait une vidéo éducative ? Est-ce qu'il était en train de discuter avec d'autres personnes ? Tous ces éléments conduisent à des interprétations différentes.

Interdire les écrans aux plus jeunes est-il vraiment une bonne chose ?

De plus de plus d'études montrent des résultats qui vont à l'encontre des idées reçues. On voit par exemple que jouer aux jeux vidéo a des effets bénéfiques pour la santé mentale. Même chose pour l'usage des réseaux sociaux d'après une recherche menée par le professeur Andrew Przybylski entre 2016 et 2018. Il ne faut cependant pas écarter les risques réels que les écrans peuvent engendrer.

Isolement, exposition à des contenus choquants, cyberharcèlement… Autant d'effets possibles dont il faut tenir compte. La professeure de psychologie Jean Twenge ne comprend pas pourquoi interdire l'accès aux écrans pour les plus jeunes fait autant débat : “plus de temps en ligne, généralement seul devant un écran ; moins de temps à dormir ; moins de temps passé avec ses amis en personne. C’est une formule néfaste pour la santé mentale“, résume-t-elle à la BBC.

La question est donc bien plus complexe qu'on peut le croire de prime abord. Mais quelle que soit sa position, il faut se demander si l'interdiction est la bonne solution. Ne risque-t-on pas, au mieux, de transformer les écrans en “fruit défendu” que les jeunes feront tout pour croquer ? Ou, au pire, de voir arriver à l'adolescence des enfants incapables ou presque de se servir d'un ordinateur, de l'IA ou d'un smartphone, instruments indispensables du quotidien ? Impossible de répondre sans passer par une observation rigoureuse sur de nombreuses années, mais va-t-on prendre ce risque ?


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