Jeux vidéo : Fleur Pellerin veut interdire la revente d’occasion, mais c’est presque impossible

Fleur Pellerin a annoncé il y a quelques jours vouloir interdire la revente de jeux vidéo d'occasion. Une orientation qui a logiquement fait débat auprès des joueurs. Aujourd'hui un député socialiste qui s'oppose a cette mesure rappelle que cette mesure irait à l'encontre de la législation européenne. Explications.

Le mois dernier, Fleur Pellerin, la Ministre de la Culture, a fait connaître sa position en matière de revente de jeux vidéo. Elle soutient ardemment la mise en place de systèmes d'activation créés par les éditeurs pour limiter la revente d'occasion. Pour rappel, elle tenait les propos suivants :

Le développement considérable du marché de l'occasion et du téléchargement illégal dans le secteur du jeu vidéo a conduit l'industrie à prendre des mesures garantissant une meilleure protection des droits de propriété intellectuelle. Dans le cadre de la lutte contre le piratage, et considérant que l'activité de revente de jeux physiques et du pluritéléchargement des jeux en ligne est préjudiciable au développement de l'industrie et contrevient aux droits des éditeurs, les pouvoirs publics soutiennent ces initiatives – Fleur Pellerin, Ministre de la Culture –

Après avoir créé la polémique, la ministre est revenue sur ses propos en précisant qu'il n'était pas envisagé d'interdire la revente. Néanmoins, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, qui dépend de son ministrère, suggérait que les éditeurs pourraient envisager de proposer leurs licences à des prix différents : “un prix élevé (…) associé à des fonctionnalités larges (dont la revente)” et un prix plus faible pour des “fonctionnalités plus limitées”.

La législation européenne autorise la revente de licences

Face à cette situation, le député socialiste Jean-Louis Gagnaire n'a pas hésité à rappeler à la Ministre de la Culture qu'interdire la revente de licences allait à l'encontre de la législation européenne.

Si les industriels du jeu vidéo verrouillent les licences sur leurs plateformes, ils empêchent purement et simplement leurs clients de faire valoir leurs droits les plus stricts. – Jean-Louis Gagnaire, député socialiste de la Loire –

Dans une question publiée au Journal Officiel, il s'appuie sur un arrêt rendu en juillet 2012 par la Cour de justice de l'Union Européenne pour préciser sa déclaration. Voici ce que dit le texte européen :

Le principe d'épuisement du droit de distribution s'applique non seulement lorsque le titulaire du droit d'auteur commercialise les copies de ses logiciels sur un support matériel (CD-ROM ou DVD), mais également lorsqu'il les distribue par téléchargement à partir de son site Internet – Arrêt UsedSoft rendu par la Cour de justice européenne –

Pour faire simple, selon la législation européenne , dès lors qu'un éditeur vend une copie originale il consent à abandonner certains droits dont celui d'empêcher la revente des licences. En donnant accès à ses logiciels sous forme d'options qui au final se révèlent payantes, les éditeurs iraient donc à l'encontre de la législation européenne.

Le Ministère de la Culture campe sur ses positions

Cette législation européenne, le gouvernement la connaît bien évidemment. Ainsi en 2014, il avait répondu, suite à l'arrêt publié par la Commission, que cette interdiction était tout à fait possible dans la mesure où la règle européenne ne valait que pour les supports physiques.

Les textes de l’Union européenne et internationaux ne prévoient le principe de l'épuisement du droit de distribution que pour les copies matérielles des œuvres protégées par un droit de propriété intellectuelle, c'est-à-dire des supports physiques d’une œuvre […] Un marché de l'occasion d’œuvres numériques viendrait directement concurrencer le marché des œuvres numériques, tant il est difficile d'imaginer une différenciation ou une altération des œuvres numériques neuves par rapport à celles qui seraient commercialisées sur un marché de l'occasion – Ministère de la Culture en 2014 –

Le député socialiste Jean-Louis Gagnaire a également des arguments à faire valoir pour s'opposer à cette déclaration. Et il puise ses informations directement dans une étude publiée par Hadopi qui explique 53% des joueurs achètent les jeux neufs parce qu'ils savent qu'ils pourront les revendre dans les mois qui suivent leur achat.

Par ailleurs, Hadopi précise que le fait de pouvoir revendre les jeux est un frein au téléchargement illégal notamment auprès des plus jeunes qui ont un petit budget. Enfin, un ultime élément achève l'argumentaire du député, il affirme ainsi :

Il est admis que les coûts de développement des jeux sont normalement amortis en moins de six mois. La pratique de prix élevés pour des jeux « démodés » devient donc rédhibitoire pour les passionnés. Le marché de l'occasion est donc la solution légale pour tous ceux qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas se procurer la dernière version des jeux en vogue. – Jean-Louis Gagnaire, député de la Loire –

Le dossier reste donc ouvert et Fleur Pellerin devra rapidement éclaircir la position du gouvernement sur cette question. Et vous, que pensez-vous de la volonté du Ministère de la Culture de vouloir mettre fin à la revente de jeux vidéo d'occasion ?

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