Sur terre, alors qu’elle aspire au repos Kim, subit plus qu’elle ne provoque la médiatisation de son récent périple sur Bételgeuse. C’est alors qu’intervient son amie Leilah Nakad : cette dernière a été mandatée par la société Forward Enterprise pour commander le vaisseau qui doit coloniser Antarès et ses employeurs lui ont demandé de convaincre Kim de participer à ce voyage. En effet, du fait de sa popularité, sa présence serait un atout de poids pour emporter l’adhésion de l’opinion publique, mais c’est sans compter sur l’envie de se poser de la jeune femme. Alors, quand la fin justifie les moyens... Pendant ce temps, trois humains sont sur Antarès pour apporter des éléments à Forward Enterprises sur la faisabilité d’une éventuelle colonisation, mais les derniers éléments recueillis ne sont guère rassurants.
Après deux cycles remarquablement orchestrés, tant dans le domaine de la narration que dans la gestion tout en maîtrise d’un environnement créé sur les bases de notre monde, la relance de la série est un beau défi.
Les premières pages d’Antarès peuvent provoquer un sentiment proche de la nausée face au déluge de bons sentiments étalés, en témoigne un clinquant décliné black blanc jaune en lever de rideau. Dans le même état d’esprit, la frontière qui sépare les bons des méchants semble très clairement et très rapidement marquée. Puis de manière insidieuse, doucement, le charme opère et l’immersion dans l’imaginaire de Léo se fait tout naturellement, juste le temps de relâcher nos défenses naturelles. A la manière de Magasin général, sans que le fond ou la forme n’aient un quelconque point commun, le plaisir d’être confronté à une certaine simplicité est retrouvé.
Cet album est une mise en place qui démarre un peu plus laborieusement qu’Aldébaran et Bételgeuse, mais c’est bien connu, avant c’était toujours mieux ! Sans doute nécessaire, une bonne proportion de la mise en route de ce premier tome se déroule sur la planète Terre dans un New-York futuriste et arrogant, et dans un Paris qui a bien grise mine. Alors si l’univers de prédilection des amateurs de Léo est bien présent dans la première moitié du récit, c’est en pointillés et ce n’est pas une vue bucolique de la cathédrale Notre Dame où le dessinateur s’est fait un petit plaisir visionnaire qui y changera quoi que ce soit. Puis changement radical à mi-parcours, les couleurs se font chaudes et les lignes s’arrondissent. Végétation luxuriante et bestiaire diversifié apparaissent, l’invitation à l’évasion reprend ses droits avec ce qu’il faut de mesure pour donner la crédibilité nécessaire à l’ensemble (à l’exception notoire de certaines espèces dont certains mécanismes surprennent tant ils relèvent plus de la mécanique que de l’animal – léger écart déjà observé dans Bételgeuse).
Concernant l’intrigue, les fondations sont solides, ce qui laisse penser que la suite devrait être à l’avenant. La narration est fluide et l’aspect science-fiction n’a rien de rebutant tant Léo s’est évertué à rendre accessible son jardin secret : la lecture n’en est que plus facile. Le dessin est de la même veine, agréable, et ce sentiment se trouve même accentué par la mise en couleurs. Tout juste pourrait-on reprocher des visages quelque peu stéréotypés, mais somme toute relativement affables, donc bien ancrés dans le ton.
Ceux pour lesquels Les mondes d’Aldéraban constitua une partie de plaisir seront rassurés sur le deuxième grand virage qu’amorce la série, et si ses détracteurs ne verront pas dans cet épisode motif à faire évoluer leur point de vue, cela constitue autant de garanties pour les adeptes. Il n’est pas trop tard pour grossir leurs rangs, l’ensemble de l’épopée recèle en son fond comme une bouffée d’oxygène et il serait dommage de bouder son plaisir.